Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/269

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et elle n’auroit jamais dû adopter celui de l’avilissement.

La même réflexion fit comprendre que le respect qui pouvoit se refuser à la personne, malgré l’élévation du rang, devoit s’accorder, malgré l’abaissement de l’état, à la supériorité du mérite ; car le respect, en changeant d’objet dans l’application, n’a point changé de nature, et n’est dû qu’à la supériorité. Ainsi il y a depuis long-temps deux sortes de respects, celui qu’on doit au mérite, et celui qu’on rend aux places, à la naissance. Cette dernière espèce de respect n’est plus qu’une formule de paroles ou de gestes, à laquelle les gens raisonnables se soumettent, et dont on ne cherche à s’affranchir que par sottise, et par un orgueil puéril.

Le vrai respect n’ayant pour objet que la vertu, il s’ensuit que ce n’est pas le tribut qu’on doit à l’esprit ou aux talens : on les loue, on les estime, c’est-à-dire, qu’on les prise, on va jusqu’à l’admiration ; mais on ne leur doit point de respect, puisqu’ils pourroient ne pas sauver toujours du mépris. On ne mépriseroit pas précisément ce qu’on admire ; mais on pourroit mépriser à certains égards ceux qu’on admire à d’autres. Cependant ce discernement est rare ; tout ce qui saisit l’imagination des hommes, ne leur permet pas une justice si exacte.