Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/278

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La sagesse de la conduite dépend de l’expérience, de la prévoyance et du jugement des circonstances : on doit donc faire attention au passé, au présent et à l’avenir ; et les passions n’envisagent qu’un de ces objets à la fois, le présent ou l’avenir, et jamais le passé. Quelques exemples rendent cette vérité sensible.

L’amour ne s’occupe que du présent ; il cherche le plaisir actuel, oublie les maux passés, et n’en prévoit point pour l’avenir.

La colère, la haine et la vengeance, qui en est la suite, jugent comme l’amour. Ces passions prennent toujours le meilleur parti possible pour leur bonheur présent ; l’avenir seul fait leur malheur : l’ambition, au contraire, n’envisage que l’avenir ; ce qui étoit le but dans son espérance, n’est plus qu’un moyen pour elle, dès qu’il est arrivé.

L’avarice juge comme l’ambition, avec cette différence, que l’une est agitée par l’espérance, et l’autre par la crainte. L’ambitieux espère de proche en proche parvenir à tout ; l’avare craint de tout perdre : ni l’un ni l’autre ne savent jouir.

L’avarice n’est, comme les autres passions, qu’un redoublement de l’amour de soi-même ; mais elle agit toujours avec timidité et défiance. L’avare, craignant tous les maux, désire ardemment les richesses qu’il regarde comme l’échan-