Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bler l’ordre de la société ; rendez-lui donc une femme qui lui appartient : vous devez sentir la justice de ma demande ».

Ce billet me parut si singulier, que j’allai sur-le-champ le communiquer à madame Derval ; mais quelle fut ma surprise, lorsque je vis, par ses réponses obscures et équivoques, que cela lui paroissoit aussi simple qu’indifférent ! Dès ce moment je sentis mes torts ; je songeai à les réparer, et je rendis dans le jour même à la société madame Derval, comme un effet qui devoit être dans le commerce.

Quoique je ne vécusse au milieu des plaisirs que dans ce qu’on appelle la bonne compagnie, j’étois trop répandu pour n’être pas du moins connu de la mauvaise. On n’est point impunément un homme à la mode. Il suffit d’être entré dans le monde sur ce ton-là, pour continuer d’y être, lors même qu’on ne le mérite plus. Aussitôt qu’un homme parvient à ce précieux titre, il est couru de toutes les femmes, qui sont plus jalouses d’être connues qu’estimées. Ce n’est sûrement pas l’estime, ce n’est pas même l’amour qui les détermine ; c’est par air qu’elles courent après un homme qu’elles méprisent souvent, quoiqu’elles le préfèrent à un amant qui n’a d’autres torts que d’être un honnête homme ignoré.

On croiroit qu’elles en sont assez punies par