Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/189

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procédés en refusant ma main ; ou, si l’honneur vous l’eût fait accepter, je n’en aurois été que plus malheureuse. Vos engagemens n’auroient fait qu’aggraver vos torts, et je vous serois devenue odieuse.

À ce mot, j’interrompis madame de Selve, je me jetai à ses genoux ; je lui marquai le plus vif et le plus sincère repentir. Je la conjurai d’accepter ma main, et je lui jurai une fidélité éternelle.

Il n’est plus temps, me dit-elle ; je crois vos offres et vos protestations sincères dans ce moment ; mais vous promettez plus que vous ne pouvez tenir. Vous m’avez été infidèle, vous le seriez encore : il est possible de ne jamais l’être ; mais il est sans exemple qu’on ne le soit qu’une fois. Il a été un temps où je pouvois me flatter de votre constance ; vous aviez été livré à la galanterie et aux intrigues sans avoir aimé véritablement. L’amour pouvoit vous fixer, j’avois osé l’espérer ; puisqu’il ne l’a pas fait, rien ne le peut faire. Vous pourriez observer les décences ; mais les égards ne suppléent point à l’amour. Je n’ai pas vu votre refroidissement pour moi sans la douleur la plus amère. J’ai senti avant vous le premier instant de votre inconstance : une amante est bien éclairée. Je vous ai caché mes peines autant que je l’ai pu. J’ai dissimulé mon