Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/190

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chagrin ; les plaintes et les reproches ne ramènent personne. Je vous aurois affligé inutilement ; vous n’étiez que réservé avec moi, et, si je vous avois paru plus pénétrante, je vous aurois peut-être obligé à recourir à la fausseté pour me tromper. Je vois que la constance n’est pas au pouvoir des hommes, et leur éducation leur rend l’infidélité nécessaire. Leur attachement dépend de la vivacité de leurs désirs : quand la jouissance, quand la confiance d’une femme, qui n’est crédule que parce qu’elle aime, les a éteints, ce n’est pas l’estime, ce n’est pas même l’amour qui les rallume, c’est la nouveauté d’un autre objet. D’ailleurs le préjugé encourage les hommes à l’infidélité ; leur honneur n’en est point offensé, leur vanité en est flattée, et l’usage les autorise.

Si quelque chose me console, c’est de voir que j’ai conservé votre estime, et j’oserois dire votre amour, ou du moins toute la tendresse dont votre cœur est encore capable. Vous ne m’avez pas été aussi infidèle que vous l’auriez peut-être désiré ; car enfin il est toujours cruel d’avoir à combattre son cœur, et vous avez éprouvé des remords dont vous auriez été affranchi en cessant de m’aimer. Je possède uniquement votre cœur : je n’ai rien fait pour le perdre, et celles que vous pourrez me préférer