Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Après cette victoire, qui décida de la couronne d’Espagne pour Philippe V, mon régiment fut envoyé en quartier à Tolède. Les congés étant difficiles à obtenir, j’y demeurai pour contenir les soldats, et prévenir les désordres qui pouvoient arriver à chaque instant dans ce pays, par la prévention que quelques Espagnols avoient contre les François. D’ailleurs les moines, par jalousie et par ignorance, persuadent, sur-tout aux femmes, que les François sont des hérétiques. Une différence de religion chez des peuples qui ont peu d’étude, ne rapproche pas les esprits ; ainsi je vivois dans une assez grande solitude.

Un jour, en rentrant chez moi par une rue détournée, je fus abordé par une femme couverte d’une mante : Seigneur cavalier, me dit-elle, une dame voudroit avoir une conversation avec vous ; trouvez-vous demain à onze heures dans la grande église. J’acceptai le rendez-vous. Le lendemain, après avoir apporté beaucoup d’attention à ma parure, je me rendis au lieu indiqué. Je n’y vis que des femmes couvertes de mantes noires, parmi lesquelles j’en aperçus une qui se distinguoit au milieu de deux autres, par la majesté de sa taille. Elles se mirent toutes trois à genoux auprès de moi ; elles s’armèrent d’un grand rosaire, firent plusieurs inclinations dévo-