Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/34

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femme charmante, je la quittois sans aucune espérance de la revoir, et dans quel état ! mourante et perdue pour moi. Nous marchâmes toute la nuit ; quand le jour parut, nous prîmes quelque repos dans un village écarté. Ce fut alors que j’ouvris le paquet que la marquise m’avoit fait remettre ; j’y trouvai son portrait et une lettre aussi vive et aussi pleine de regrets que celle que j’aurois pu lui écrire ; elle me prioit de garder toute ma vie ce portrait qu’elle avoit compté me donner la veille dans des momens plus heureux. Il étoit dans une boîte enrichie de diamans ; mais, ce qui me parut singulier, et ce qui me fit toujours reconnoître le caractère espagnol, fut d’y trouver une relique de saint Antoine de Pade, qu’elle partageoit avec moi, parce que, disoit-elle dans sa lettre, elle lui attribuoit notre salut dans cette dernière aventure, et me conjurait de ne m’en point séparer dans le danger où la famille de son mari l’exposoit ; elle finissoit en m’assurant d’un amour éternel.

J’arrivai sans aucun accident à Madrid ; je renvoyai mon guide, et le chargeai d’une lettre pour la marquise, et d’une autre pour son frère. J’allai sur-le-champ rendre mes devoirs à M. de Vendôme ; il me reçut avec cette bonté qui lui attachoit le cœur de toutes les troupes. Je lui contai mon aventure ; il me conseilla de ne pas