Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/67

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ci à tout ce que je connoissois. Les valets d’une dévote ne sont point dans sa confidence ; ils sont modestes et sages, et n’ont aucune des insolences que leur donne ordinairement le secret de leur maîtresse. Madame de Gremonville, quoique vive dans ses caresses, paroissoit modérée dans les plaisirs, et sembloit n’avoir d’autre intérêt que ma satisfaction, sans jamais envisager la sienne. Une dévote emploie pour son amant tous les termes tendres et onctueux du dictionnaire de la dévotion la plus affectueuse et la plus vive. La critique du monde que madame de Gremonville faisoit avec esprit, étoit toujours un éloge indirect d’elle-même ; elle vantoit les charmes du mystère et les plus grandes voluptés, qu’elle ne présentoit que sous le nom de commodités.

Notre commerce dura six mois, sans que jamais il ait fait le moindre bruit ; mais bientôt j’aperçus du refroidissement et de la contrainte dans les procédés de madame de Gremonville ; elle me fit voir des scrupules, et, comme ils ne pouvoient plus naître de la vertu, je les regardai comme des symptômes d’inconstance. J’ai toujours imaginé qu’une jalousie de directeur, causée par quelqu’objet d’intérêt, avoit troublé notre commerce. Les rendez-vous devinrent plus rares, les difficultés de se voir augmentèrent chaque jour ; elle me déclara enfin qu’elle