Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/93

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pardonner la dureté, et un amant est flatté d’inspirer des sentimens aussi déterminés. Milady m’accorda ce rendez-vous, et j’achevai de la détromper ; mais son âme avoit éprouvé des agitations dont elle ressentoit toujours l’impression : son amour et sa fierté avoient été trop frappés des seules alarmes qu’ils avoient ressenties. Je voyois qu’elle étoit agitée. Ce n’étoit pas une femme à laquelle on pût faire dire ce qu’elle n’avoit pas résolu. Je prévoyois un orage ; mais je ne m’attendois pas à la façon dont il éclata.

Elle me donna un rendez-vous dans sa maison de la Cité ; je m’y rendis. Après m’avoir témoigné plus d’amour qu’elle n’avoit encore fait : M’aimez-vous véritablement, me dit-elle ? je ne veux point être flattée, parlez-moi avec candeur. Pouvez-vous en douter, lui dis-je ? mon amour fait tout mon bonheur ; mais, ajoutai-je, mon cœur n’est pas satisfait. Je vois que depuis quelque temps vous êtes occupée d’une chose que vous me cachez ; croyez-vous que ma délicatesse n’en soit pas blessée ? ouvrez-moi votre cœur. C’est, reprit-elle, pour vous découvrir le fond de mon âme que j’ai voulu vous parler aujourd’hui. J’ai été jalouse, c’est tout dire pour exprimer ce que j’ai souffert ; et, puisque ce sentiment n’a pu me forcer à vous quitter, je vois que je vous aime pour ma vie. J’ai eu tort dans