Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/94

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cette occasion ; je ne veux plus être exposée à l’avoir. Vous êtes porté à la galanterie ; vous serez aimé, et bientôt vous me serez infidèle. Je veux vous posséder seule sans la crainte de vous perdre. Londres m’est odieux, je n’y serois pas tranquille : voyez si vous voulez me suivre, et venir au bout de l’univers. J’y suis résolue ; si vous me refusez, votre amour est foible, et votre cœur n’est pas digne de moi.

Ce projet m’étonna ; mais, ne voulant pas m’opposer avec trop de vivacité à son sentiment, je lui représentai les engagemens qu’elle avoit avec son mari, l’éclat que feroit son départ. J’ajoutai que ma fortune ne me permettoit pas de l’exposer dans un pays où je n’avois aucune ressource. Elle m’écouta sans m’interrompre ; et, quand j’eus cessé de parler : J’ai tout prévu, répliqua-t-elle ; les engagemens que j’ai avec mon mari ne sont à mes yeux qu’une convention civile. Je n’ai point d’enfans ; j’ai fait la fortune de mon mari par les biens que je lui ai apportés, et que je lui laisse ; mais je suis maîtresse de vendre des habitations considérables que j’ai à la Jamaïque. C’est-là que nous irons d’abord. Nous porterons les fonds que nous en aurons retirés dans les lieux qui vous plairont le plus ; les nations me sont égales ; celle que vous choisirez deviendra ma patrie. Je ne vis que pour vous ; l’é-