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du Moyen Age, il s’est restreint. Le droit de famille finit par n’être plus que l’apanage d’un petit nombre d’hommes comme la propriété libre héréditaire (alleu, allodium).

Ces libres-là, dont il est impossible d’apprécier le nombre, conservaient naturellement le droit de porter les armes. Leur propriété leur permettait d’entretenir un cheval de guerre. Ils sont avant tout guerriers.

Mais à côté d’eux, et beaucoup plus nombreux, du moins en France, est une autre classe de libres : les vassaux. Ceux-ci vivent non pas de leur propriété personnelle, de leur alleu, mais du fief qui, à cette époque agricole, leur sert de solde. Comme les autres, plus que les autres encore, ce sont des gens d’armes. A la différence des premiers, ils ne sont pas héréditaires, car le fief ne se transmet du père au fils que si le fils est apte à la guerre. Le père ne laisse-t-il que des filles ou des fils impropres au service, le fief fait retour au seigneur. Mais le cas est rare. En France, dès Charles le Chauve, les fiefs sont héréditaires et si la même chose n’a été reconnue formellement en Allemagne que sous Conrad II, en fait, il en allait certainement ainsi déjà avant cette date.

A côté de ces soldats libres, les uns propriétaires d’alleux, les autres détenteurs de fiefs, il y en a de non-libres. Ce sont des serfs robustes et fidèles que les seigneurs prennent en guerre comme gardes de corps, et placent, en temps de paix, à des postes de confiance, des ministeriales, dienstmannen, dont le nombre est surtout grand en Allemagne, et qui forment l’aristocratie de la servitude. Tous, libres ou non, sont unis par la communauté d’une même profession, celle des armes, et jouit auprès du reste de la population d’une considération particulière. Car toutes les fonctions intellectuelles étant au clergé, il n’y a que le métier des armes qui puisse donner au laïc une place privilégiée dans la société.

On n’entre dans la classe militaire qu’à l’âge de la majorité. Pour y être admis, une cérémonie spéciale est nécessaire : la remise des armes par le seigneur ou par un compagnon. C’est cette cérémonie qui sacre le jeune homme chevalier, c’est-à-dire tout simplement soldat à cheval. Elle donne à celui qui la reçoit les avantages et le prestige de sa position. Au début, si le fils d’un chevalier ne se fait pas lui-même adouber, il est un simple vilain, et ses filles ne pouvant pas être adoubées, ne jouissent d’aucune situation spéciale. Mais c’est là évidemment un état transitoire. Le fait d’ailleurs prépare le droit. En règle générale, le fils d’un