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LIVRE VI


LES DÉBUTS DES ÉTATS OCCIDENTAUX




CHAPITRE PREMIER

L’ANGLETERRE

I. — Avant la conquête

Les royaumes barbares, échafaudés sur les ruines de l’Empire romain, avaient vainement essayé de s’approprier, en même temps que la terre, le système de gouvernement de l’État. On a vu pourquoi et comment leurs efforts échouèrent. Pépin le Bref et Charlemagne réussissent à relever le pouvoir royal grâce à l’aide de l’Église et s’attachèrent, de commun accord avec elle, à instituer la société chrétienne. Les circonstances sociales ne leur permirent pas d’accomplir cette mission. Ils leur eût été impossible de créer une administration royale, à une époque où la grande propriété imposait de toutes parts aux hommes le protectorat de seigneurs fonciers. L’unité politique fit place au morcellement de l’État en principautés territoriales. Les sujets du roi passèrent sous l’autorité de princes féodaux et ce sont eux qui, en réalité, à partir de la fin du ixe siècle, s’acquittent de la tâche trop lourde qui a échappé des mains du souverain. Mais si le roi laisse gouverner les princes à sa place, il continue pourtant à régner par dessus eux et, fidèle à l’idéal carolingien, il attend le moment où il pourra exercer la magistrature suprême à laquelle il n’a pas renoncé. Aussi est-il la grande force politique de l’avenir. Sans exception, tous les États européens sont l’œuvre de la royauté, et chez tous la rapidité et l’ampleur du développement sont en proportion de la puissance royale.