Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’au jour où l’avènement du premier Tudor, Henri VII, en 1485, lui rendit le repos, à toute intervention active dans les affaires du continent. La France, au contraire, jouit sous Charles VII d’un calme réparateur. On eut pu la croire épuisée par l’épouvantable crise dont elle sortait. Il suffit de quelques années pour en faire disparaître les traces. Pour la première fois, la nation fit preuve de ce ressort et de cette nerveuse énergie qu’elle a toujours montrés après les grandes catastrophes de son histoire. Lorsque Louis XI succéda à son père en 1461, elle était redevenue sans conteste la plus grande puissance de l’Occident. Mais elle se trouvait aussi dans une position internationale toute nouvelle et qui allait modifier radicalement le cours de sa politique extérieure.

On peut dire que, depuis la fin du xie siècle, celle-ci n’avait cessé d’être déterminée par la nécessité vitale de repousser l’Angleterre du sol français. Ses interventions dans les Pays-Bas comme ses rapports avec l’Empire ou avec la Péninsule hibérique se ramènent presque sans exception à cette grande lutte. L’Angleterre était non seulement l’ennemie essentielle ; elle était la seule ennemie de la France. Elle n’en avait pas sur le continent où elle n’y eut que ceux qui lui furent suscités par l’Angleterre, Othon IV en Allemagne et les comtes de Flandre aux xiiie et xive siècles. A part cela, elle était en repos sur ses derrières et pouvait consacrer toutes ses forces à faire face à l’ouest. Or, au moment où s’achève la Guerre de cent ans, cet état de choses disparaît pour toujours. C’en est fait de l’antique sécurité continentale du royaume. C’est sur ses frontières de terre ferme qu’il va désormais avoir à lutter et, par un renversement complet de la tradition, l’Angleterre ne l’attaquera plus à l’avenir qu’en se coalisant avec ses adversaires d’Europe.

La formation de l’État bourguignon marque le point de départ de ce tournant dans l’histoire politique. On a vu plus haut comment Philippe le Bon avait profité de sa participation à la Guerre de cent ans pour grouper sous son pouvoir, à côté de la Flandre et de l’Artois, la plus grande partie des principautés territoriales nominalement dépendantes de l’Empire, qui s’étendaient des Ardennes au Zuiderzée, duchés de Luxembourg et de Brabant, comtés de Hainaut, Namur, Hollande et Zélande.

À ce bloc de possessions, Charles VII, en concluant la Paix d’Arras avec le duc (1439), avait annexé les villes de la Somme. Le duché et la Franche-Comté de Bourgogne s’ajoutaient à ce