Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 476 —

ne regardaient pas au delà du cercle étroit de leur politique locale. Quand ils se trouvèrent devant le fait accompli, il était trop tard. Le mariage de leur « princesse naturelle » avait fait d’eux des sujets de la maison d’Autriche pendant qu’ils discutaient sur leurs franchises.

Les intrigues de la France ne manquèrent pas d’attiser et d’entretenir dans les Pays-Bas, sous Louis XI comme sous Charles VIII, le mécontentement général, d’agiter les Liégeois, de soulever la Gueldre et de paralyser ainsi les forces de Maximilien. Après la mort de Marie de Bourgogne (1482), la plus grande partie des villes et de la noblesse ne le considérèrent plus que comme un intrus et lui disputèrent la tutelle de son fils Philippe le Beau. Les Liégeois, soumis par Charles le Téméraire, reprirent leur indépendance, ainsi que la Gueldre. Maximilien, dont l’Empire se désintéressa complètement, se débattait impuissant au milieu de ce chaos. Il dut même souffrir l’humiliation, en 1488, d’être retenu pendant plusieurs semaines prisonnier des Brugeois. Malgré son alliance avec le roi d’Angleterre et le duc de Bretagne, la guerre entrecoupée qu’il fit à la France ne pouvait mener à rien de définitif. Elle fut provisoirement interrompue en 1493 par la Paix de Senlis.

A l’altération introduite dans la politique internationale par la naissance de l’État bourguignon, l’unification de l’Espagne, résultat du mariage d’Isabelle de Castille avec Ferdinand d’Aragon (1469), fit succéder bientôt une perturbation complète. Jusqu’alors les royaumes espagnols s’étaient trouvés trop faibles pour pouvoir intervenir activement dans les destinées de l’Europe. La guerre contre les Maures avait d’abord absorbé toutes leurs forces jusqu’au milieu du xiiie siècle. Puis, au moment où l’œuvre allait être achevée, des rivalités dynastiques, les querelles des rois avec la noblesse, et de la noblesse avec les villes, l’avaient interrompue, sauvegardant l’existence précaire du royaume musulman de Grenade. Favorisé par sa situation maritime, l’Aragon avait bien employé son activité au dehors, expulsé les Anjous de Sicile au profit d’une ligne collatérale de sa dynastie, conquis les Baléares, pris pied en Corse et en Sardaigne. Mais cette vigoureuse poussée s’était arrêtée dès le milieu du xive siècle à la suite de luttes avec la Castille, de dissensions dans la famille royale, de révoltes de Barcelone et de la Catalogne. La Castille était plus travaillée encore et plus affaiblie par les prétentions et l’insubordination de sa noblesse. Aucune force ne parvenait à s’imposer à une société vigoureuse,