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LETTRE VII.

principal objet de ma lettre pour des détails sans importance. J’arrive à mon sujet.

Lorsqu’un médecin est consulté par un malade dont le mauvais régime [330d] a ruiné la santé, il doit d’abord prescrire un nouveau régime, et, si le malade s’y soumet, continuer ses soins ; mais si le malade s’y refuse, selon moi, le médecin doit en homme d’honneur cesser de le voir : s’il continuait ses visites, ce serait un malhonnête homme ou un ignorant. Il en faut dire autant d’un État, qu’il soit gouverné par un seul ou par plusieurs. S’il marche dans une voie droite et régulière, je crois que ceux qui veulent l’aider de leurs conseils [330e] ont raison de le faire ; mais si cet État s’écarte entièrement de la route d’une droite politique, s’il en fuit les traces, [331a] s’il défend sous peine de mort de se mêler des affaires ou de proposer des changements, s’il ne souffre de conseils que ceux qui flattent ses caprices et ses passions ; dans un pareil État celui qui persisterait à donner des conseils serait indigne du nom d’honnête homme : le parti le plus honorable est de se retirer. D’après ces principes, quand quelqu’un vient me consulter sur les affaires les plus importantes de la vie, telles que l’acquisition des richesses, [331b] les soins à donner au corps ou à l’âme ; si sa manière habituelle de vivre ne me paraît pas tout-à-fait mauvaise ou s’il semble disposé à suivre mes conseils, je lui en donne de bon cœur et ne me lasse pas avant d’avoir achevé ce que j’entreprends : mais si on ne me demande pas de conseils, ou qu’on soit évidemment disposé à ne pas suivre ceux que je donnerais, je ne vais pas moi-même les offrir, et je ne les impose à personne, pas même à mon fils. Quant à mon esclave, je lui donnerais bien des avis et je le forcerais de les suivre ; [331c] mais je crois que ce serait une impiété de forcer la volonté d’un père ou d’une