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LETTRE VII.

mère, à moins qu’ils ne fussent en démence. S’ils mènent une vie qui leur plaise et ne me convienne pas, je ne veux point m’aliéner leur affection par des leçons inutiles, ni non plus les flatter et les aider à satisfaire des passions au sein desquelles il me serait impossible de vivre. Voilà la règle que le sage doit suivre à l’égard de la patrie : quand il la voit mal gouvernée, il doit parler si ses conseils peuvent être utiles et si la mort n’en doit pas être le prix ; [331d] mais il n’a pas le droit de faire violence à la patrie pour accomplir une révolution politique, quand cette révolution n’est possible que par des massacres et des exils. Son devoir alors est de se tenir en repos et de prier les Dieux pour son bonheur et pour celui de sa patrie. C’est d’après ces principes que je vous conseillerais, et c’est d’après eux que je conseillais autrefois à Denys, d’accord avec Dion, de travailler constamment à acquérir de l’empire sur lui-même et de se faire [331e] des amis et des partisans dévoués pour éviter ce qui était arrivé à son père, qui, après avoir repris et relevé les nombreuses et puissantes villes de Sicile ruinées par les Barbares, ne put trouver pour les gouverner des hommes assez sûrs ni parmi ses amis, ni parmi les étrangers qu’il avait appelés, [332a] ni même parmi ses frères plus jeunes que lui qu’il avait élevés dès leur enfance, et fait princes de simples particuliers qu’ils étaient. Ni la persuasion, ni l’éducation, ni les bienfaits, ni les alliances, n’avaient pu faire d’eux un seul serviteur fidèle ; sept fois plus malheureux que Darius qui, se défiant de ses frères et de ses créatures, et n’ayant de confiance que dans les compagnons qui l’avaient aidé à soumettre le Mède [332b] et l’eunuque, divisa son empire en sept parties dont chacune était plus grande que la Sicile toute entière, en donna une à gouverner à chacun de ses compagnons, et trouva en eux des officiers fidèles