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IX
NOTICE

dans ses Helléniques (V 2, 6 sq.), un tel traitement aurait été infligé par les Spartiates à une cite arcadienne, Mantinée, pour la punir de ses trahisons pendant la guerre du Péloponèse : elle dut abattre ses murs, raser ses maisons, et ses habitants furent répartis en quatre villages (ou plutôt cinq). Le fait se place en 385, trente et un ans après celui qui est l’occasion du banquet raconté dans notre dialogue. Cet anachronisme, dit-on, serait inexplicable si le souvenir n’était pas encore tout frais d’un événement qui avait fortement frappé les esprits. Le Banquet aurait donc été écrit peu après 385[1].

Mais cette interprétation de l’allusion dont il s’agit n’a pas convaincu tout le monde. Il n’y a pas d’anachronisme, objecte-t-on ; car, s’il s’agissait des seuls Mantinéens, Platon n’aurait pas nommé le peuple arcadien tout entier. Le fait évoqué serait plutôt la dissolution par Sparte, en 417, de l’Union arcadienne, dont, il est vrai, Mantinée était la tête. Ainsi ce serait un événement contemporain de la scène de notre Banquet. Le souvenir en revient à l’esprit au moment où, après la paix d’Antalcidas (387), Sparte défendait avec vigueur son hégémonie contre des tendances analogues[2]. — Mais cette interprétation est-elle conciliable avec l’expression employée ici par Platon ? La dissolution imposée à une « ligue » est-elle un diœcisme ? Si l’hypothèse est admise, il faudra introduire dans le texte la correction que proposait un érudit du xvie siècle (voir l’apparat à 193 a 2) et comprendre : nous avons été fendus en deux ; ce qui s’accor-

  1. Pour certains auteurs, au contraire, le fait évocateur de ce souvenir serait le synœcisme de Mantinée en 371, c’est-à-dire le rétablissement de la ville par Épaminondas. Ce qui s’accorderait d’autre part avec un passage du discours de Phèdre (178 e sq.), où il semble qu’il y ait une allusion au bataillon sacré des Thébains (cf. p. 12 n. 1 et p. XXXIX n. 1), qui se fit remarquer pour la première fois à la bataille de Leuctres, en 371. Mais, si le synœcisme de Mantinée était le fait du jour, pourquoi Aristophane ne l’a-t-il pas évoqué pour illustrer le retour de notre nature à son unité primitive ?
  2. Wilamowitz, op. cit. I 372, 1 ; II 176-178. — Ibid. II 178 et Antigonos von Karystos (1881), p. 182, il voit dans le Banquet un écho un peu attardé de la fondation de l’Académie, de ce qu’elle a appris à Platon et de ce qu’il en espère (cf. p. xci) ; il le place donc entre 381 et 378, après Ménon, Euthydème et Cratyle, avant la République et Phèdre.