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LE BANQUET

derait du reste fort bien, et avec le verbe dont se sert Aristophane quatre lignes plus bas, et avec l’idée générale de son exposé. Mais la possibilité de secourir ainsi l’hypothèse est-elle un motif suffisant de changer un texte sur lequel la tradition manuscrite est unanime ?

D’autres critiques[1] renoncent à chercher pour le passage en question une interprétation historique assurée. Pour eux, c’est le contenu même du Banquet qui en indique la date : d’abord le discours d’Alcibiade, où Platon s’efforce de prouver que la conduite publique et privée d’Alcibiade a été une perpétuelle et volontaire désobéissance aux conseils que lui donnait Socrate (216 a-c) ; ensuite l’impossibilité de ne pas voir dans l’exaltation avec laquelle Platon parle de l’amour spiritualisé (surtout 209 b c) le reflet d’une émotion personnelle. Or, en ce qui concerne le second point, on sait qu’il a eu un disciple bien aimé, en qui aux dons philosophiques s’unissaient les dons politiques[2], celui duquel il espérait la réalisation de l’État de ses rêves : c’est Dion, le neveu de Denys, tyran de Syracuse. Or en 387 Platon venait de faire son premier séjour à la cour de ce prince ; quand il écrit le Banquet, il est encore dans l’enthousiasme de la rencontre qu’il y a faite d’un jeune homme qui à sa beauté et à sa haute naissance associait les plus éclatantes qualités de l’esprit et du caractère. Quant aux propos que Platon prête à Alcibiade, l’intention en serait autre. Les malheurs d’Athènes, sa déchéance politique avaient déterminé dans le public un désir d’établir rétrospectivement les responsabilités. La mémoire d’Alcibiade en portait une grande part (voir p. xcviii sqq.). Mais qui donc avait été le mauvais génie de cet homme en qui, un moment, les Athéniens avaient placé tous leurs espoirs ? C’est Socrate. Peut-être l’imputation était-elle déjà dans l’air quand le rhéteur Polycrate lui donna un retentissement considérable, en publiant contre la mémoire de Socrate un écrit où il faisait parler Anytus, un des accusateurs dans le procès de 399. Y a-t-il, ou non[3], dans le Gorgias (519 a b) une première réponse, d’ailleurs brève,

  1. Entre autres Th.  Gomperz, Penseurs de la Grèce, trad. fr. II 301 et n. 2, 409-413 ; cf. 360-362.
  2. On insiste sur les préoccupations politiques dans 209 a, d e.
  3. La seconde opinion est celle de Wilamowitz, op. cit. II 95-105.