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LE BANQUET

qui veillera à l’exécution du programme. Si Phèdre l’est ici, et non pas l’auteur même de la « motion » sur « l’ordre du jour », celui qui l’a mise aux voix, Éryximaque, c’est que la paternité de l’idée remonte à Phèdre (177 c-e) : aussi est-ce à lui que chacun des six premiers orateurs remet en quelque sorte sa contribution à l’œuvre commune, autrement dit « l’écot » qui a été décidé ; il se considère comme chargé d’y veiller (194 d)[1]. Si par contre Phèdre, le premier, et Alcibiade, le dernier des orateurs du Banquet, manquent à cette règle, si Alcibiade s’adresse à toute l’assemblée (222 ab) et non plus à Phèdre, c’est justement que Phèdre était le président désigné, et qu’Alcibiade s’est ensuite, de sa propre autorité, institué à son tour président de la compagnie de buveurs dans laquelle, ivre d’avance, il vient d’être admis comme par contrat (212 e sq., 213 e).

Le ton que donne au Banquet l’ivresse d’Alcibiade ne fera que s’accentuer par la suite, lorsqu’une seconde vague de fêtards aura déferlé sur celle qu’Alcibiade avait amenée avec lui (223 b et 212 c, 213 a). Cette réunion, d’une tenue si élégante jusque-là, dégénère en orgie : c’est ce qui devait arriver souvent, puisque nous voyons Platon, dans les Lois (une grande partie des livres I et II), se préoccuper de donner à l’usage du vin dans les banquets une sorte de statut légal[2], qui les réglerait d’une façon générale : à cette condition ils seront, non plus seulement un moyen d’entretenir et de resserrer l’amitié (I 640 c), mais un facteur important de l’éducation morale, qui est le but de la politique. Il n’y a pas en effet de moyen plus commode pour éprouver le caractère des hommes en vue de les rendre meilleurs (646 d sqq., surtout 650 ab, et le début de II). Supposons d’autre part une marionnette mue par des fils qui sont à l’intérieur, les uns, de fer et raides, un autre, d’or et souple lequel doit gouverner toute la machine. Les premiers sont en nous les émotions agréables ou pénibles, l’espérance et la crainte ; le second est la pensée et l’idée de la règle. Eh bien ! qu’on

  1. Voir 199 b la double « permission » que Socrate sollicite de lui.
  2. Ce qu’il appelle νόμοι συμποτικοί II 671 c. Le mot συμπόσιον, alors que l’idée en est si souvent présente, ne se trouve que trois fois dans ce morceau des Lois, (I 637 a 5, 639 d 3, 641 b 1), et trois fois aussi συμπότης (I 639 d 3, 648 d 6, II 671 e 6).