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XXI
NOTICE

corde d’autre part avec ce que dit Alcibiade (215 b) de sa popularité : l’été de cette année 416 voit en effet éclater l’affaire de la mutilation des Hermès ; Alcibiade y est impliqué, et, un an plus tard, le désastre de Sicile consomme sa disgrâce.

D’un autre côté, peut-être n’est-il pas sans intérêt de relever les indications par lesquelles Platon paraît avoir voulu situer dans le temps la conversation d’Apollodore, avec Glaucon d’abord, puis avec ses amis : elle se place nombre d’années après qu’Agathon eut quitté Athènes ; moins de trois ans après qu’Apollodore s’est attaché à la personne de Socrate ; en un temps fort éloigné de celui de la scène elle-même, laquelle a eu lieu quand Apollodore et ses amis étaient encore des enfants ; enfin avant la mort de Socrate (172 c-173 b). La conversation est donc antérieure à 399. D’autre part, c’est en cette même année que fut assassiné Archélaüs, roi de Macédoine, à la cour de qui Agathon était allé vivre, mais où il ne put sans doute rester après la mort de son protecteur. Or, en 405, Aristophane parle déjà de cet exil volontaire dans les Grenouilles (83-85) : « Agathon m’a quitté, dit Dionysos, et il est parti ! — Vers quel endroit de la terre, l’audacieux ? — Vers la chère Île des Bienheureux[1] ! » Par contre, le début des Thesmophories, qui sont de 411, implique qu’à cette époque il résidait encore à Athènes (cf. p. lxvi). Donc,

    lieu aux Lênéennes, c’est-à-dire aux petites Dionysies, qui se célébraient au mois de Gamèliôn, l’ancien Lênéôn (janv.-févr.). Mais n’est-ce pas de sa part une inférence fondée sur ce qui est dit 223 c de la longueur des nuits quand eut lieu le symposion ? Il fallait donc que la scène se passât en hiver. Là-dessus les érudits protestent : ces fêtes étaient réservées aux seuls habitants de l’Attique ; or on voit 175 e que plus de trente mille Grecs ont été les témoins de cette victoire. Il faut donc qu’elle ait eu lieu aux Grandes Dionysies, qui attiraient à Athènes un grand concours d’étrangers. Mais c’est en Élaphèboliôn (mars) qu’elles se célébraient : alors c’est la question des longues nuits qui devient gênante ! La stérilité de ces controverses ne prouve qu’une chose : c’est que Platon est indifférent, sur ce dont il s’agit, à la précision historique : ce qui lui importe, c’est que la victoire d’Agathon fut éclatante et qu’il la remporta dès sa première tragédie.

  1. Autrement dit, la cour brillante de Pella n’est pas un séjour moins enchanteur que les Îles des Bienheureux, et cette plaisanterie sur le voluptueux Agathon ne signifie nullement qu’il est mort.