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LE BANQUET

rique pour le Phédon ; il peut ici être fictif, suggéré même, si l’on veut, par un autre Symposion (cf. p. xviii). De toute façon, c’est, ici et là, un cadre approprié au sujet traité. Ce n’est pas à dire, bien entendu, que cette liberté dans l’invention et dans la mise en œuvre doive signifier l’exclusion de tout détail proprement historique. Comme il y en avait dans le Phédon, il y en a probablement aussi dans le Banquet, notamment dans le portrait de Socrate par Alcibiade à la fin de notre dialogue (cf. p. ci sq.). Mais sans doute tout cela aussi est-il fortement stylisé, pour des raisons qu’on verra plus tard. En résumé, je dois répéter ici ce que j’écrivais dans la Notice du Phédon (p. xxii) : dans le Banquet ce que nous avons à chercher et à étudier, c’est la pensée, non de Diotime ni même de Socrate sur l’amour, mais de Platon, héritier de Socrate certes, jaloux pourtant d’enrichir l’héritage qu’il a reçu, et la pensée de Platon en opposition à d’autres conceptions, réelles ou possibles, du même sujet.

III

LA STRUCTURE DU BANQUET
ET SON CONTENU PHILOSOPHIQUE

Le pédantisme scolastique, que comporte toujours l’effort pour démonter un dialogue platonicien et en faire sentir l’articulation, est particulièrement déplaisant, j’en conviens, quand il s’agit d’une œuvre telle qu’est le Banquet, aussi finement nuancée et aussi libre dans son mouvement. L’allure inspirée du discours de Diotime, le discours d’Alcibiade, tout plein d’ivresse et de passion désordonnée, semblent condamner d’avance une pareille entreprise. Faute pourtant de s’y risquer, on est incapable de saisir la relation des idées et, par conséquent, de pénétrer autant que cela est possible les intentions de l’auteur. Il n’y a pas d’œuvre d’art sans un principe interne d’organisation, pas d’écrit philosophique sans un progrès réglé de la pensée vers un certain but. La méthode peut se dissimuler, elle n’en est pas moins réelle ; et, s’il n’y a pas de système au sens didactique, il y a du moins une systématisation. Autrement, le Banquet ne serait, pour une part, qu’un persiflage littéraire et, pour le reste,