Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
liii
NOTICE

ment aux animaux, mais à tous les êtres, non seulement à l’amour masculin, mais à l’amour en général et dans tous les ordres de phénomènes. Ainsi s’affirme immédiatement sa tendance (cf. 188 d) aux généralisations hâtives ; en possession d’un catalogue tout fait des divers arts, il n’aura pas de peine à retrouver en chacun d’eux, à commencer par la médecine, la dualité du bon et du mauvais Amour. Son procédé de développement est mécanique : il dessine, à propos de la médecine, un patron de sa démonstration, et, sur ce patron, il en calque, tantôt avec quelques amplifications, parfois en réduisant, toutes les autres pièces, à propos desquelles reviennent les mêmes formules (cf. p. 24 n. 3). — La médecine, dit-il, envisage deux états opposés l’un à l’autre, santé et maladie, et chacun d’eux est ami de ce qui lui est semblable. Il y a donc un bon amour qu’on doit favoriser, un mauvais qu’il faut combattre. C’est en cela que consiste la pratique de la médecine : un bon médecin est celui qui sait reconnaître chacun de ces deux amours, diagnostiquer la bonne santé comme la mauvaise, et substituer, quand il le faut, la première à la seconde[1], en faisant naître dans le corps le désir de récupérer ce qui lui manque et dont il a besoin, ou inversement le désir d’être purgé de ce qu’il a en trop et qui le gêne, bref en établissant ou en rétablissant dans l’organisme un équilibre du vide et du plein, des pertes et des gains[2]. La santé même, d’autre part, est une harmonie de contraires, froid et chaud, sec et humide, amer et doux (dans les humeurs), etc., et la maladie résulte de la rupture de cette harmonie à l’avantage d’un des contraires[3] ; le bon médecin sera donc celui qui rétablit la concorde et l’amour entre ces frères ennemis, quand une brouille est venue troubler leur

  1. Comparer le langage de Protagoras, dans « l’Apologie » que Platon lui fait prononcer, Théétète 167 bc. Cf. A. Diès, Notice du Théétète, p. 134 sq.
  2. Le développement donné ici à la pensée d’Éryximaque provient du traité hippocratique De flatibus I 570 K. (Littré VI 93) ; le meilleur médecin est de même défini De nat. hom. I 362 K. (Littré ibid. 62) par son aptitude à réaliser le résultat dont il s’agit. Le rapprochement avec Philèbe 31 c-32 b et 43 cd (cf. 30 b) est particulièrement intéressant. Cf. aussi Timée 65 a.
  3. Ce qu’Alcméon (cf. p. 25 n. 1) appelait « domination d’un seul » (monarchia), par opposition à la « compensation » (isonomia).