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PHÈDRE

d’expliquer. C’est toujours une âme[1] qui a charge de tout ce qui est dépourvu d’âme ; mais, en circulant dans la totalité de l’univers, elle y revêt çà et là des formes différentes. C’est ainsi que, lorsqu’elle est parfaite c et ailée, elle chemine dans les hauteurs et administre le monde entier ; quand au contraire elle a perdu ses ailes, elle est entraînée jusqu’à ce qu’elle se soit saisie de quelque chose de solide[2] ; elle y établit sa résidence, elle prend un corps de terre et qui paraît être l’auteur de son propre mouvement à cause de la force qui appartient à l’âme : ce qu’on a appelé un vivant, c’est cet ensemble d’une âme et d’un corps solidement ajusté, et il a reçu la dénomination de mortel. Quant à celle d’immortel, il n’est rien qui permette d’en rendre raison d’une façon raisonnée ; mais nous nous forgeons, sans en avoir ni expérience ni suffisante intellection, une idée du dieu[3] : un vivant immortel d qui possède une âme, qui possède aussi un corps, mais tous deux naturellement unis pour une éternelle durée. Là-dessus cependant, qu’il en soit en somme et qu’on en parle ainsi qu’il plaît à la Divinité ; et maintenant passons à la raison qui fait tomber les ailes, qui les fait se détacher de l’âme. Or, voici quelle peut être cette raison.

La procession céleste des âmes.

« Il est de la nature de l’aile d’être apte à mener vers le haut ce qui est pesant, en l’élevant du côté où habite la race des Dieux, et ainsi c’est elle qui, entre les choses qui ont

  1. C.-à-d. tout ce qui est âme. Mais la plupart des éditeurs lisent un texte dont le sens est : toute l’âme, l’âme tout entière ; considération qui est hors de propos en cet endroit où Platon distingue les âmes par rapport à la fonction qu’il a définie 245 e.
  2. C’est la chute de l’âme, dont il sera encore parlé 248 ab, c fin : ne disons pas, sans plus, qu’elle la précipite dans un corps (car les âmes divines, qui sont exemptes de cette chute, n’en ont pas moins un corps [246 d déb.]), mais dans un corps solide et fait de terre, non de feu, comme celui des dieux-astres (cf. Notice, p. cxxxiii sq.).
  3. Le cas des dieux est donc, à un plus haut degré encore, le même que celui de l’âme : on n’en peut parler autrement que par image ou par analogie et sous la forme d’un mythe, pourvu que ce soit en des termes qui ne les déprécient pas (ainsi 246 e déb.) et qui même leur agréent (Phédon, Notice, p. l n. 3). Platon en donne ici la raison et, à la fois, celle de plusieurs emplois du mythe : c’est que