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LA RÉPUBLIQUE VIII


Son caractère.

IX  Tout d’abord ne lui ressemble-t-il pas par l’estime extrême qu’il fait des richesses ?

Sans contredit.

Il lui ressemble encore par son goût pour l’épargne et le travail ; il n’accorde à la nature que la satisfaction des désirs nécessaires ; il s’interdit toute autre dépense, et maîtrise les autres désirs comme étant frivoles.

C’est l’exacte vérité.

Il est sordide, ajoutai-je, fait argent de tout et ne songe qu’à thésauriser ; benfin il est de ceux dont la multitude fait l’éloge. Un tel homme n’est-il pas à l’image du gouvernement que nous venons de dépeindre ?

Pour moi, dit-il, j’en suis persuadé ; car chez un tel individu, comme dans l’État, c’est l’argent qui a le pas sur tout.

À mes yeux, repris-je, la raison en est qu’un tel homme n’a guère songé à s’instruire.

Je le crois, dit-il ; autrement il n’aurait pas mis un aveugle[1] à la tête du chœur de ses désirs et ne l’honorerait pas par dessus tout[2].

C’est bien dit, repris-je ; mais fais attention à ceci. Ne dirons-nous pas que le manque d’éducation a fait naître en lui des désirs qui sont de la nature des frelons, les uns mendiants, les autres malfaisants, cdésirs qui sont contenus de force par le soin de ses intérêts ?

Fort bien, dit-il.

Or sais-tu, continuai-je, où il faut jeter les yeux pour découvrir la malfaisance de ces désirs ?

Où ? demanda-t-il.

Regarde-le quand il est chargé de quelque tutelle ou de toute autre commission où il a pleine licence de mal faire.

  1. Cet aveugle, c’est le dieu Plutus, dit le scholiaste de A. Cf. Aristophane, Plutus 90-91 : « Zeus m’a fait aveugle pour que je ne puisse distinguer aucun d’eux (les bons et les méchants). »
  2. La correction que Schneider a faite ici du texte des manuscrits qui portent καὶ ἔτι μάλιστα εὖ, ce qui n’a point de sens, est une des plus belles qu’on ait faites au texte de Platon. Elle s’accorde à merveille avec τιμᾶν μηδὲν ἄλλο ἢ πλοῦτον 553 d et avec μάλιστα ἔντιμα 554 b.