Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE IX



571L’homme
tyrannique.

I  Il reste maintenant, repris-je, à examiner l’homme tyrannique lui-même, comment il sort de l’homme démocratique, et, quand il en est sorti, quel est son caractère, et quelle est sa vie, malheureuse ou heureuse.

Il reste en effet, dit-il, à examiner cet homme-là.

Mais sais-tu, demandai-je, ce qui me manque encore ?

Quoi ?

Une chose qui regarde les désirs : nous n’avons pas, je crois, suffisamment expliqué leur nature et leurs espèces ; faute de lumière sur ce point, nous y verrons moins clair bdans notre recherche.

Est-ce que, dit-il, il n’est plus temps d’y remédier ?

Assurément si. Examine ce que je veux voir en eux. Le voici. Parmi les plaisirs et les désirs qui ne sont pas nécessaires, il y en a qui me paraissent déréglés[1]. Il semble bien qu’ils sont innés dans tous les hommes ; mais réprimés par les lois et les désirs meilleurs, ils peuvent avec l’aide de la raison être entièrement extirpés chez quelques hommes, ou rester amoindris en nombre et en force, tandis que chez les autres ils subsistent plus nombreux et plus forts.

cMais enfin, demanda-t-il, quels sont ces désirs dont tu parles ?

Ceux qui s’éveillent pendant le sommeil, répondis-je, quand la partie de l’âme qui est raisonnable, douce et faite pour commander à l’autre est endormie, et que la partie bestiale et sauvage, gorgée d’aliments ou de boisson se

  1. À en juger par les exemples que Platon donne un peu plus loin, ces désirs déréglés sont des désirs contre nature. Cf. Euripide, Médée 1121, qui qualifie de παράνομον le meurtre de ses enfants par Médée. Cf. aussi Phédon 113 e.