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SISYPHE

Sisyphe. — Absolument.

Socrate. — Donc, il nous faut voir à présent ce qui empêche les chercheurs de découvrir ce qu’ils cherchent.

Sisyphe. — C’est mon avis.

Socrate. — Pouvons-nous dire que ce soit autre chose cque l’ignorance ?

Sisyphe. — Examinons, par Zeus.

Socrate. — Oui, de notre mieux, et, comme on dit, larguons toutes les voiles et donnons toute notre voix[1]. Examine donc avec moi ceci : penses-tu qu’il soit possible à un homme de délibérer sur la musique, s’il ne connaît rien en fait de musique, ni comment il faut jouer de la cithare, ni quoi que ce soit concernant cet art ?

Sisyphe. — Certes non.

Socrate. — Et le commandement militaire, et l’art de la navigation, qu’en dis-tu ? Celui qui n’y entend rien, serait-il, à ton avis, den état de délibérer sur l’un ou l’autre de ces métiers, comment il devrait s’y prendre, de quelle manière il pourrait commander une armée ou gouverner un navire, lui qui ne sait ni commander, ni gouverner[2] ?

Sisyphe. — Nullement.

Socrate. — Ne crois-tu pas qu’il en soit ainsi pour tout ? Sur les choses qu’on ne sait pas on ne saurait ni ne pourrait délibérer dès lors qu’on les ignore.

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Mais on peut chercher ce que l’on ignore, n’est-ce pas ?

Sisyphe. — Tout à fait.

eSocrate. — Donc chercher n’est pas la même chose que délibérer.

    voir doubler son temple de Délos, était très discuté : il s’agit de construire sur un cube dont les côtés sont donnés, un second cube double du précédent (Cf. Milhaud, op. cit., p. 170. Voir Plutarque, de gen. Socr. 7).

  1. Cf. des expressions analogues dans Euthydème, 293 a : πᾶσαν ἤδη φωνὴν ἠφίειν… ; République V, 475 a : …καὶ πάσης φωνὰς ἀφίετε… ; Protagoras, 338 a : …μήτ' αὖ Πρωταγόραν πάντα κάλων ἐκτείναντα, οὐρίᾳ ἐφέντα, φεύγειν εἰς τὸ πέλαγος τῶς λόγων…
  2. Un thème du même genre est développé dans Alcibiade I, 106 et 107 d, mais les différences sont notables entre ce passage et le texte de Sisyphe. Platon ne dit pas, en effet, que, pour délibérer,