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ÉRYXIAS

l’époque socratique ; certaines propositions, certaines phrases résonnent comme un écho des discussions en cours chez les disciples de Zénon. Alexandre d’Aphrodise, par exemple, attribue explicitement aux philosophes du Portique ce principe général que du bien ne peut sortir le mal, ainsi que l’application précise qu’ils en font à la richesse[1]. Or, ce même principe et cette même application sont développés par le Socrate d’Éryxias (404 b-405 b).

Le fameux aphorisme μόνος ὁ σοφός ἐστι πλούσιος est strictement stoïcien et Cicéron rapporte que, si d’autres paradoxes furent empruntés aux socratiques, celui-ci porte la marque très authentique de Zénon et de son école[2]. Seul, affirmaient ces philosophes, le sage est riche, parce que seul il possède la science des biens et des maux, ou la vertu, c’est-à-dire ce qui a le plus de valeur[3]. Mais toute la première partie d’Éryxias tend à prouver que les plus heureux sont aussi les plus sages, car avec la σοφία, ils possèdent le bien le plus digne d’estime.

L’auteur du dialogue apocryphe, comme le remarque justement Schrohl[4], professe un mépris des richesses que Platon n’a jamais affiché avec une pareille exagération, car Platon ne les tenait pas pour absolument indésirables et ne jugeait pas qu’une honnête aisance fut incompatible avec la béatitude[5]. Les Stoïciens eux-mêmes se montraient peut-être moins sévères et rangeaient du moins les biens extérieurs parmi les objets indifférents. Sur ce point, c’est sans doute l’influence cynique qui prédomine. Les diatribes de ces derniers contre la fortune sont bien connues. La conclusion du Socrate pseudo-platonicien qui condamne finalement la richesse comme un mal, parce qu’elle crée en nous de si nombreux et si pressants besoins, rappelle le mot de Diogène : « C’est le propre des dieux de n’avoir aucune indigence ;

  1. V. A. III, 152 : εἰ γὰρ τοῦτο, δόξει καλῶς ὑπὸ τῶν ἀπὸ τῆς Στοᾶς λέγεσθαι· « τὸ διὰ κακοῦ γινόμενον οὐκ ἔστιν ἀγαθόν· πλοῦτος δὲ καὶ διὰ πορνοβοσκίας κακοῦ ὄντος γίνεται· οὐκ ἄρα ὁ πλοῦτος ἀγαθόν ». ». Voir Sénèque, ep. 87, 22 (V. A. III, 151) ; Tableau de Cébès, XL, XLI.
  2. Cicéron, Acad. Pr. II, 136 (V. A. III, 599).
  3. Sextus, adv. Math. , XI, 170 (V. A. III, 598).
  4. Op. cit. cap. III.
  5. Phèdre, 279 c ; Lois, I, 631 c.