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AXIOCHOS

Mais l’imitateur est-il Épicure ou l’auteur d’Axiochos ? Sextus Empiricus attribue explicitement à Épicure l’origine et le sens de cette maxime[1]. De plus, suivant la remarque très juste de M. Chevalier, « …lorsqu’on trouve un même développement chez deux auteurs, dont l’un est original et dont l’autre n’est qu’un reflet, lorsque surtout ce développement, chez l’un, est en accord avec sa pensée et que chez l’autre, il est comme rapporté ou plaqué, il y a ordinairement de fortes présomptions que le second a copié le premier[2] ». Or, il suffit de réintégrer dans la doctrine épicurienne la formule commentée pour voir combien elle est cohérente avec l’ensemble, tandis que, dans notre dialogue elle fait l’impression d’une ajoute maladroite.

Il faut aussi, je crois, rapporter à l’influence épicurienne la conception du pseudo-Platon sur la nature du composé humain et sur l’œuvre qu’accomplit la mort. Pour l’auteur de l’Axiochos, l’âme et le corps constituent une sorte de synthèse (σύγκρισις), et la mort dissout cet assemblage : l’âme va dès lors dans son propre séjour, mais le corps, enveloppe mortelle, n’est plus l’homme, car nous sommes une âme (365 e). Sextus-Empiricus donne comme théorie d’Épicure une semblable doctrine sur la constitution de la personne humaine et sur son état après la séparation des parties essentielles : φασὶ δὲ καὶ ὡς εἴπερ συνεστήκαμεν ἐκ ψυχῆς καὶ σώματος, ὁ δὲ θάνατος διάλυσις ἐστι ψυχῆς καὶ σώματος. Mais Épicure se préoccupe peu de l’âme. Pour lui, l’homme, c’est le composé : ὅτε μὲν ἡμεῖς ἐσμεν, οὐκ ἔστιν ὁ θάνατος· (οὐ γὰρ διαλυόμεθα) ὅτε δὲ ὁ θάνατος ἐστιν, οὐκ ἐσμὲν ἡμεῖς. τῷ γὰρ μήκετι τὴν σύστασιν εἶναι τῆς ψυχῆς καὶ τοῦ σώματος, οὐδὲ ἡμεῖς ἐσμέν[3]. On saisit assez bien, sur cet exemple, à la fois le procédé de composition et la maladresse du dialogiste, ce qui, une fois encore, confirme que c’est lui l’imitateur. Il a reproduit la doctrine et, en partie, les termes de son modèle, mais son éclectisme lui joue un mauvais tour et il ne s’aperçoit pas que la tendance platonicienne est inconciliable avec la tendance épicurienne : d’une part, il affirme qu’on n’existe

  1. Pyrrh. Hypotyp. III, 229 ; Adv. Math. I, 285.
  2. Op. cit., p. 28.
  3. Pyrrh. Hypotyp. III, 229. — Cf. Tertullien, De Anima, c. 42 ; Lactance, III, 17 ; Cicéron, De Fin. 2, 31 ; Aulu-Gelle, II, 8.