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DÉMODOCOS

Ier livre de la République de Platon : la tromperie est-elle permise, et dans quel cas, appartiennent aux ἀπορία, concernant la morale.

On sait qu’Aristote a utilisé ce procédé et l’a transformé en méthode dialectique. Les άπορίαι deviennent chez lui le préambule de toute recherche scientifique et la condition de la découverte. Ces doutes, ces difficultés sont présentés par Aristote comme de véritables δισσοὶ λόγοι[1] : ce n’est qu’après avoir confronté toutes les raisons contraires qu’on peut espérer trouver la solution juste[2]. Sur ce point encore, comme sur tant d’autres, le Stagirite met en œuvre des matériaux que lui ont fournis les sophistes[3].

Le Démodocos appartient très probablement à la catégorie des traités dont nous venons de parler. L’auteur doit être un sophiste. Sa manière rappelle celle des dialecticiens du ve ou du ive siècle. On retrouve les procédés des δισσοὶ λόγοι. Le second thème, par exemple, oppose deux opinions contraires et développe les raisons qui favorisent chacune d’elles. La construction du premier discours est analogue à celle des arguments de Parménide, de Zénon ou de Mélissos, ou encore à celle des dissertations de Gorgias sur le non-être : diverses hypothèses qui s’excluent sont mises en présence ; chacune d’elles est examinée et reconnue absurde : on est dans une impasse.

Il est difficile de déterminer avec certitude l’époque à laquelle vécut l’auteur. La langue ne présente aucune particularité notable : aucun terme, aucune tournure ne révèle une date tardive. Le style est assez terne : c’est bien celui des compositions éristiques dont les fragments des sophistes ou des mégariques nous offrent des exemples. L’imitateur de Platon est-il contemporain de ce dernier ou postérieur à Aristote ? On ne saurait le décider. Peut-être pourrait-on deviner quelque trace d’influence aristotélicienne dans un passage de la première dissertation (382 c). Là, en effet, la doctrine qu’Aristote développe dans l’Éthique (v. g. Γ, 5,

  1. ἡ ἀπορία ἰσότης ἐναντίων λόγων. Top. Ζ, 6, 145 b 2, 17.
  2. De Anima, Α, 2, 403 b 20.
  3. Cf. par exemple les discours de Gorgias, Palamède, Éloge d’Hélène. On y retrouve des arguments qui seront utilisés par Aristote pour construire sa logique ou sa rhétorique. Voir A. Diès, Autour de Platon, Paris, Beauchesne, 1927, I, p. 100 et suiv.