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NOTICE

rendrait paresseux, et ce sont les lâches qui aiment à l’entendre. Ma croyance au contraire exhorte au travail et à la recherche » (Ménon 81, d, trad. Croiset). Le Socrate du Sisyphe pense tout autrement : il fuit plutôt l’effort laborieux et pénible. Sans doute, la recherche est un procédé qui permet d’arriver à la connaissance, mais un procédé trop long, trop compliqué. Quand on ne sait pas, mieux vaut apprendre d’un autre que chercher par soi-même (390 a). L’opposition des deux tendances est, on le voit, bien marquée, et les emprunts faits aux dialogues platoniciens restent, en somme, très extérieurs. Le Sisyphe est conçu dans un tout autre esprit que le Ménon.

Heidel et, à sa suite Pavlu, croient reconnaître dans la Rhétorique d’Aristote une autre source du petit écrit pseudoplatonicien[1]. Au chapitre iii, Aristote distingue les trois genres de discours : délibératif, judiciaire, démonstratif. Chacun a sa forme propre, bien déterminée par son objet et sa fin. L’objet du discours judiciaire est dans le passé, car accusation et défense portent sur des actes qui ont eu lieu. Celui du discours démonstratif est surtout actuel, bien qu’il puisse être aussi passé ou futur : on loue, on blâme principalement les actions du moment. Quant à l’objet de la délibération, il est toujours futur : on délibère sur ce qui sera : χρόνοι δὲ ἑκάστου τούτων εἰσὶ τῷ μὲν συμβουλεύοντι ὁ μέλλων (περὶ γὰρ τῶν ἐσομένων συμβουλεύει ἢ προτέπων ἢ ἀποτρέπων… (Ι, 3, 1358 b, 13). Cette définition ne serait-elle pas reproduite dans la seconde partie du Sisyphe ? οὐχ ἅπαντες οἵ τε εὖ βουλευόμενοι καὶ οἱ κακῶς περὶ μελλόντων τινῶν ἔσεσθαι βουλεύονται (390 d). Il est possible, en effet, que nous ayons là une réminiscence de la συμβουλή aristotélicienne. Mais l’auteur du dialogue n’aurait guère retenu que ce trait dans tous les développements de la Rhétorique. Pour le reste il ne suit plus son modèle et semble même n’utiliser la définition que pour détruire son objet. Si, en effet, on ne délibère que sur des choses futures, c’est là, d’après le dialogiste, une action bien vaine, puisque le futur n’ayant aucune nature n’a aucune réalité, est un pur non-être.

Les réflexions qui terminent le dialogue indiquent assez

  1. Heidel, Pseudoplatonica, A dissertation of the University of Chicago, Baltimore, 1896, Pavlu, l. c., p. 31.