Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 3.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
SISYPHE

clairement dans quel milieu cet écrit a pu prendre naissance. Rien vraiment ne rappelle, comme le prétend Heidel, les doctrines stoïciennes ou celles de la Nouvelle-Académie. Les sophismes sur la nature irréelle du futur et son non-être, feraient plutôt songer aux discussions de l’école d’Élée ou de Mégare. À la manière des disciples de Parménide, l’auteur du Sisyphe joue sur les mots être et non-être ; il attribue la qualification d’être uniquement à ce qui possède ou a possédé une essence déterminée, une φύσις. Le futur qui ne participe point de cette φύσις appartient donc à la catégorie du non-être. Dès lors, on aura beau jeu de répéter le fameux axiome éléate : comment pourra-t-on jamais atteindre le non-être ? πῶς γὰρ ἂν τίς σοι δοκεῖ τοῦ μὴ ὄντος δύνασθαι τυχεῖν ; (391 b). Quelle est la source immédiate de l’argumentation sous la forme où elle se présente dans le dialogue ? Il est difficile de le dire. On ne risque pourtant guère de se tromper en affirmant que tout le passage est pénétré de l’esprit sophistique encore très vivant à l’époque de Platon et d’Aristote.

Le style.

La langue du dialogue offre peu de particularités notables. Elle est assez terne, assez monotone. Aucune image un peu originale ne met en valeur la pensée ; les rares exemples qui servent par endroits à préciser l’idée n’ont rien de personnel et sont empruntés à Platon.

Le vocabulaire, dans son ensemble, est classique et presque tous les termes se retrouvent chez Platon. Quelques expressions, du reste peu nombreuses, dénoteraient peut-être une époque plus tardive.

Le substantif περιεργία (387 d) se trouve chez Plutarque, 2516 a, chez Lucien, D. Deor. 7, 4, chez Philostrate, 940… Mais on le rencontre aussi dans la collection hippocratique et dans les Caractères de Théophraste, ch. xiii. Du reste, l’adjectif περίεργος est employé par les auteurs de la bonne époque, comme Lysias, 123, 24, Isocrate, 102 A, Xénophon, Mémor. I, 3, 1, Platon, Politique 286 c.

Σχεδιάζω (387 e) se trouve chez le comique Anaxandride (ἀκμή 376). Cicéron l’introduit dans une lettre à Atticus, 6, I, 11. On le lit encore chez Denys d’Halicarnasse, contemporain de Strabon, 1, 7 ; chez Polybe, 23, 9, 12 ; 12, 4, 4 ; chez Diodore de Sicile, I, 23, tous écrivains d’une époque