Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/277

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si ensuite notre discussion s’évanouissait comme une fable et que nous ne nous sauvions que grâce à quelque absurdité ?

PROTARQUE

Mais non, il ne faut pas que cela nous arrive, sauf la chance de nous sauver. Quant à moi, j’aimerais que ta thèse et la mienne fussent traitées sur le pied de l’égalité. Admettons donc qu’il y a des plaisirs nombreux et dissemblables et qu’il y a de même des sciences nombreuses et différentes.

SOCRATE

Alors, Protarque, ne dissimulons pas les différences qu’il y a entre ton bien et le mien ; mettons-les, au contraire, en évidence, et allons-y hardiment ; il se peut que, soumises à l’examen, elles nous révèlent s’il faut dire que le bien est le plaisir, ou si c’est la sagesse ou une troisième chose. Car, si nous discutons à présent, ce n’est certainement pas pour faire triompher la thèse que je soutiens, ni celle que tu défends toi-même ; ce que nous avons à faire tous les deux, c’est de nous allier en faveur de ce qui est le plus vrai.

PROTARQUE

C’est en effet notre devoir.

SOCRATE

V. — Alors fortifions encore davantage cette antinomie par des aveux mutuels.

PROTARQUE

Quelle antinomie ?

SOCRATE

L’antinomie qui met tout le monde dans l’embarras, quelquefois volontairement, quelquefois involontairement.

PROTARQUE

Explique-toi plus clairement.

SOCRATE

Je parle de l’antinomie qui vient de se présenter sur notre chemin et dont la nature est extraordinaire. Car c’est une chose étrange à dire que plusieurs sont un et un plusieurs, et il est facile de contester contre celui qui soutient l’un quelconque de ces deux points.

PROTARQUE

Parles-tu du cas où, par exemple, on dit de moi, Protarque, qui suis un par nature, que mes moi sont nombreux