Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/413

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là le principe le plus effectif du devenir et de l’ordre du monde, c’est l’opinion d’hommes sages, qu’on peut admettre en toute sûreté. Le dieu, en effet, voulant que tout fût bon et que rien ne fût mauvais, autant que cela est possible, prit toute la masse des choses visibles, qui n’était pas en repos, mais se mouvait sans règle et sans ordre, et la fit passer du désordre à l’ordre, estimant que l’ordre était préférable à tous égards.

Or il n’était pas et il n’est pas possible au meilleur de faire une chose qui ne soit pas la plus belle. Ayant donc réfléchi, il s’aperçut que des choses visibles par nature il ne pourrait jamais sortir un tout privé d’intelligence qui fût plus beau qu’un tout intelligent, et, en outre, que dans aucun être il ne pouvait y avoir d’intelligence sans âme. En conséquence, il mit l’intelligence dans l’âme, et l’âme dans le corps, et il construisit l’univers de manière à en faire une oeuvre qui fût naturellement la plus belle possible et la meilleure. Ainsi, à raisonner suivant la vraisemblance, il faut dire que ce monde, qui est un animal, véritablement doué d’une âme et d’une intelligence, a été formé par la providence du dieu.

Ceci posé, il nous faut dire ensuite à la ressemblance de quel être vivant il a été formé par son auteur. Ne croyons pas que ce fut à la ressemblance d’aucun de ces objets qui par leur nature ne sont que des parties ; car rien de ce qui ressemble à un être incomplet ne peut jamais être beau. Mais ce qui comprend comme des parties tous les autres animaux, pris individuellement ou par genres, posons en principe que c’est à cela que le monde ressemble par-dessus tout. Ce modèle, en effet, embrasse et contient en lui-même tous les animaux intelligibles, comme ce monde contient et nous-mêmes et tout ce qu’il a produit d’animaux visibles. Car Dieu, voulant lui donner la plus complète ressemblance avec le plus beau des êtres intelligibles et le plus parfait à tous égards, a formé un seul animal visible, qui renferme en lui tous les animaux qui lui sont naturellement apparentés.

Mais avons-nous eu raison d’ajouter qu’il n y a qu un ciel, ou était-il plus juste de dire qu’il y en a beaucoup et même un nombre infini ? Il n’y en a qu’un, s’il doit être construit suivant le modèle. Car ce qui contient tout ce qu’il y a d’animaux intelligibles ne pourrait jamais coexister avec un autre et occuper la seconde place, autrement il faudrait admettre, outre ces deux-là, un troisième animal, où ils seraient enfermés comme des parties ; et ce ne serait plus sur ces deux-là, mais sur celui qui les contiendrait qu’on pourrait dire à juste titre que notre monde a été modelé. Afin donc que notre monde fût semblable en unité à l’animal parfait, l’auteur n’en a fait ni deux, ni un nombre infini ; il n’est né que ce ciel unique et il n’en naîtra plus d’autre.