Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/424

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quelque objet extérieur du genre du Même ou de l’Autre, elles donnent à cet objet le nom de Même et d’Autre, à l’encontre de la vérité, et elles deviennent menteuses et folles, et il n’y a plus alors parmi elles de révolution qui commande et dirige. Par contre, lorsque des sensations venant du dehors se jettent sur ces révolutions et tombent sur elles et entraînent après elles tout le vaisseau qui contient l’âme, ces révolutions, quoique maîtrisées, paraissent avoir la maîtrise. Par suite de tous ces accidents, aujourd’hui comme au début, l’âme commence par être dénuée d’intelligence, quand elle est enchaînée dans un corps mortel. Mais lorsque le courant qui apporte la croissance et la nourriture diminue de volume, que les révolutions, revenant au calme, suivent leur propre voie et deviennent plus stables au cours du temps, à partir de ce moment les révolutions se corrigent suivant la forme de chacun des cercles qui suivent leur cours naturel, elles donnent à l’Autre et au Même leurs noms exacts et font éclore l’intelligence chez leur possesseur. Si cette disposition est fortifiée par une bonne méthode d’éducation, l’homme devient complet et parfaitement sain, et il échappe à la plus grave des maladies. Si, au contraire, on a négligé son âme, après avoir mené une existence boiteuse, il retourne chez Hadès, imparfait et insensé. Mais ceci n’arrive que plus tard. Il faut revenir à notre sujet présent et le traiter avec plus de précision. Attachons-nous à la question préliminaire de la génération des corps, partie par partie, et voyons pour quels motifs et en vertu de quelle prévoyance les dieux ont donné naissance à l’âme, en nous tenant aux opinions les plus vraisemblables ; car c’est ainsi et suivant ce principe que doit marcher notre exposition.

A l’imitation de la forme de l’univers qui est ronde, les dieux enchaînèrent les révolutions divines, qui sont au nombre de deux, dans un corps sphérique, que nous appelons maintenant la tête, laquelle est la partie la plus divine de nous et commande toutes les autres. Puis, après avoir assemblé le corps, ils le mirent tout entier à son service, sachant qu’elle participerait à tous les mouvements qui pourraient exister. Enfin, craignant qu’en roulant sur la terre, qui est semée d’éminences et de cavités, elle ne fût embarrassée pour franchir les unes et se tirer des autres, ils lui donnèrent le corps comme véhicule pour faciliter sa marche. C’est pour cela que le corps a reçu une taille élevée et qu’il a poussé quatre membres extensibles et flexibles, que le dieu imagina pour qu’il pût avancer. Par la prise et l’appui que ces membres lui donnent, il est devenu capable de passer par des lieux de toute sorte, portant en haut de nous l’habitacle de ce que nous avons de plus divin et de plus sacré. Voilà comment et pourquoi des jambes et des mains ont poussé à tous les hommes.