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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/425

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Puis, jugeant que la partie antérieure est plus noble et plus propre à commander que la partie postérieure, les dieux nous ont donné la faculté de marcher en avant plutôt qu’en arrière. Il fallait donc que le devant du corps humain fût distinct et dissemblable de la partie postérieure. C’est pour cela que, sur le globe de la tête, ils placèrent d’abord le visage du côté de l’avant et qu’ils fixèrent sur le visage les organes utiles à toutes les prévisions de l’âme, et ils décidèrent que la partie qui se trouve naturellement en avant aurait part à la direction.

Les premiers organes qu’ils fabriquèrent furent les yeux porteurs de lumière ; ils les fixèrent sur le visage dans le but que je vais dire. De cette sorte de feu qui a la propriété de ne pas brûler et de fournir une lumière douce, ils imaginèrent de faire le propre corps de chaque jour, et le feu pur qui est en nous, frère de celui-là, ils le firent couler par les yeux en un courant de parties lisses et pressées, et ils comprimèrent l’oeil tout entier, mais surtout le centre, de manière qu’il retînt tout autre feu plus épais et ne laissât filtrer que cette espèce de feu pur. Lors donc que la lumière du jour entoure le courant de la vision, le semblable rencontrant son semblable, se fond avec lui, pour former dans la direction des yeux un seul corps, partout où le rayon sorti du dedans frappe un objet qu’il rencontre à l’extérieur.

Ce corps, soumis tout entier aux mêmes affections par la similitude de ses parties, touche-t-il quelque objet ou en est-il touché, il en transmet les mouvements à travers tout le corps jusqu’à l’âme et nous procure cette sensation qui nous fait dire que nous voyons. Mais quand le feu parent du feu intérieur se retire à la nuit, celui-ci se trouve coupé de lui ; comme il tombe en sortant sur des êtres d’une nature différente, il s’altère lui-même et s’éteint, parce qu’il n’est plus de même nature que l’air ambiant, lequel n’a point de feu. Il cesse alors de voir, et, en outre, il amène le sommeil. Car lorsque les paupières, que les dieux ont imaginées pour préserver la vue, sont fermées, elles retiennent en dedans la puissance du feu. Celle-ci, à son tour, calme et apaise les mouvements intérieurs, et cet apaisement produit le repos. Quand le repos est profond, un sommeil presque sans rêve s’abat sur nous ; mais s’il reste des mouvements un peu violents, ces mouvements, suivant leur nature et le lieu où ils restent, suscitent en dedans de nous autant d’images de même nature, qui, dans le monde extérieur, nous reviennent à la mémoire, quand nous sommes éveillés.

Quant à l’origine des images produites par les miroirs et par toutes les surfaces brillantes et polies, il n’est plus difficile de s’en rendre compte. C’est de la combinaison des deux feux, intérieur et extérieur, chaque fois que l’un d’eux rencontre la surface polie et subit plusieurs change-