Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/428

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chacun de ces corps, nous les appelons principes et nous les considérons comme un alphabet de l’univers, alors qu’ils ne devraient pas même, si l’on veut observer la vraisemblance, être assimilés à la classe des syllabes par un homme tant soit peu intelligent. Pour moi, voici ce que je compte faire aujourd’hui. Le principe ou les principes de toutes choses, ou quel que soit le nom qu’on préfère, je n’en parlerai pas à présent, par la simple raison qu’il me serait difficile d’expliquer mon opinion, en suivant le plan de cette exposition. Ne croyez donc pas que je doive vous en parler. Moi-même je ne saurais me persuader que j’aurais raison d’aborder une si grande tâche. Mais je m’en tiendrai à ce que j’ai dit en commençant, à la valeur des explications probables, et j’essayerai, comme je l’ai fait dès le début, de donner, sur chaque matière et sur l’ensemble, des explications aussi vraisemblables, plus vraisemblables même que toutes celles qui ont été proposées. Invoquons donc encore une fois, avant de prendre la parole, la divinité, pour qu’elle nous guide dans cette exposition étrange et insolite vers des doctrines vraisemblables et reprenons notre discours.

Pour commencer cette nouvelle explication de l’univers, il faut pousser nos divisions plus loin que nous ne l’avons fait jusqu’ici. Nous avions alors distingué deux espèces ; il faut à présent en faire voir une troisième. Les deux premières nous ont suffi pour notre première exposition l’une, intelligible et toujours la même, était supposée être le modèle, la deuxième, soumise au devenir et visible, était la copie de ce modèle. Nous n’avons pas alors distingué de troisième espèce, ces deux-là semblant nous suffire. Mais, à présent, la suite du discours semble nous contraindre à tenter de mettre en lumière par des paroles une espèce difficile et obscure. Quelle propriété naturelle faut-il lui attribuer ? Celle-ci avant tout : elle est le réceptacle et pour ainsi dire la nourrice de tout ce qui naît. Voilà la vérité ; mais elle demande à être expliquée plus clairement, et c’est une tâche difficile, spécialement parce qu’il faut pour cela résoudre d’abord une question embarrassante sur le feu et les autres corps qui vont avec lui ; car il est malaisé de dire de chacun de ces corps lequel il faut réellement appeler eau plutôt que feu, et lequel il faut appeler de tel nom plutôt que de tous à la fois ou de chacun en particulier, pour user d’un terme fidèle et sûr. Comment donc y parviendrons-nous, par quel moyen, et, dans ces difficultés, que pouvons-nous dire de vraisemblable sur ces corps ? D’abord nous voyons que ce que nous appelons eau à présent, devient, croyons-nous, en se condensant, des pierres et de la terre, et qu’en fondant et se dissolvant, ce même élément devient souffle et air ; que l’air enflammé devient feu, et qu’au rebours, le feu contracté et éteint revient à la forme d’air, que l’air condensé et