Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/447

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rayon visuel, celui de noir à ce qui produit l’effet contraire. Lorsqu’une autre sorte de feu qui se meut plus rapidement heurte le rayon visuel et le dilate jusqu’aux yeux, dont il divise violemment et dissout les ouvertures, et en fait couler tout d’un coup du feu et de l’eau que nous appelons larme ; lorsque ce mouvement qui est lui-même du feu s’avance à leur rencontre, et que le feu jaillit au-dehors comme d’un éclair, tandis que l’autre feu entre et s’éteint dans l’humidité, alors des couleurs de toute sorte naissent dans le mélange. Nous appelons éblouissement l’impression éprouvée et nous donnons à ce qui la produit le nom de brillant et d’éclatant.

Il y a aussi la variété de feu intermédiaire entre ces deux-là ; elle arrive jusqu’à l’humidité des yeux et s’y mêle, mais n’a point d’éclat. Le rayonnement du feu au travers de l’humidité à laquelle il se mêle produit une couleur de sang, que nous appelons rouge. Le brillant, mêlé au rouge et au blanc, devient jaune. Quant à la proportion de ces mélanges, la connût-on, il ne serait pas sage de la dire, puisqu’on n’en saurait donner la raison nécessaire ni la raison probable d’une manière satisfaisante. Le rouge mélangé au noir et au blanc produit le pourpre, et le violet foncé, quand ces couleurs mélangées sont plus complètement brûlées et qu’on y mêle du noir. Le roux naît du mélange du jaune et du gris, le gris du mélange du blanc et du noir, et l’ocre du mélange du blanc avec le jaune. Le blanc uni au jaune et tombant dans du noir saturé donne une couleur bleu foncé ; le bleu foncé mêlé au blanc donne le pers, et le roux mêlé au noir, le vert. Quant aux autres couleurs, ces exemples font assez bien voir par quels mélanges on devrait en expliquer la reproduction pour garder la vraisemblance. Mais tenter de soumettre ces faits à l’épreuve de l’expérience serait méconnaître la différence de la nature humaine et de la nature divine. Et en effet Dieu seul est assez intelligent et assez puissant pour mêler plusieurs choses en une seule et, au rebours, dissoudre une seule chose en plusieurs, tandis qu’aucun homme n’est capable à présent et ne le sera jamais à l’avenir de réaliser aucune de ces deux opérations.

Toutes ces choses ainsi constituées primitivement suivant la nécessité, l’artisan de la plus belle et de la meilleure des choses qui naissent les a prises, quand il a créé le dieu qui se suffit à lui-même et qui est le plus parfait. Il s’est servi des causes de cet ordre comme d’auxiliaires, tandis que lui-même façonnait le bien dans toutes les choses engendrées. C’est pourquoi il faut distinguer deux espèces de causes, l’une nécessaire et l’autre divine, et rechercher en tout la divine, pour nous procurer une vie heureuse dans la mesure que comporte notre nature, et la nécessaire en vue de la première, nous disant que, sans la nécessaire, il