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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/448

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est impossible de concevoir isolément les objets que nous étudions, ni de les comprendre, ni d’y avoir part de quelque autre manière.

A présent donc que, comme des charpentiers, nous avons à pied d’oeuvre, entièrement triés, les matériaux dont il nous faut composer le reste de notre exposé, reprenons brièvement ce que nous avons dit en commençant et revenons vite au même point d’où nous sommes parvenus ici, et tâchons de finir notre histoire en lui donnant un couronnement en rapport avec ce qui précède. Or, ainsi qu’il a été dit au commencement, tout était en désordre, quand Dieu introduisit des proportions en toutes choses, à la fois relativement à elles-mêmes et les unes à l’égard des autres, dans toute la mesure et de toutes les façons qu’elles admettaient la proportion et la symétrie. Car jusqu’alors aucune chose n’y avait part, sauf par accident, et, parmi les choses qui ont des noms aujourd’hui, il n’y en avait absolument aucune digne de mention qui eût un nom, tel que le feu, l’eau ou tout autre élément. Mais tout cela, c’est Dieu qui l’ordonna d’abord et qui en forma ensuite cet univers, animal unique, qui contient en lui-même toutes les créatures vivantes et immortelles. Des animaux divins, c’est lui-même qui en fut l’artisan ; mais pour les animaux mortels, il chargea ses propres enfants de les engendrer.

Ceux-ci prirent modèle sur lui, et, quand ils en eurent reçu le principe immortel de l’âme, ils façonnèrent ensuite autour de l’âme un corps mortel et lui donnèrent pour véhicule le corps tout entier, puis, dans ce même corps, ils construisirent en outre une autre espèce d’âme, l’âme mortelle, qui contient en elle des passions redoutables et fatales, d’abord le plaisir, le plus grand appât du mal, ensuite les douleurs qui mettent les biens en déroute, en outre la témérité et la crainte, deux conseillères imprudentes, puis la colère difficile à calmer et l’espérance facile à duper. Alors mêlant ces passions avec la sensation irrationnelle et l’amour qui ose tout, ils composèrent suivant la loi de la nécessité la race mortelle. Aussi, comme ils craignaient de souiller le principe divin, sauf le cas d’une nécessité absolue, ils logèrent le principe mortel, à l’écart du divin, dans une autre chambre du corps. Ils bâtirent, à cet effet, un isthme et une limite entre la tête et la poitrine, et mirent entre eux le cou, afin de les maintenir séparés. C’est dans la poitrine et dans ce qu’on appelle le tronc qu’ils enchaînèrent le genre mortel de l’âme. Et, parce qu’une partie de l’âme est naturellement meilleure et l’autre pire, ils firent deux logements dans la cavité du thorax, en le divisant, comme on sépare l’appartement des femmes de celui des hommes, et ils mirent le diaphragme entre eux comme une cloison. La partie de l’âme qui participe du courage et de la colère, qui désire la victoire, fut