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XCIX
TRAITÉ DU BIEN.

qu’il en appelle aux nations les plus célèbres, qu’il expose les cérémonies, les dogmes et les institutions qui, ayant été établies par les Brahmes, les Juifs, les Mages et les Égyptiens, se trouvent d’accord avec le système de Platon[1]. (Prép. évang., IX, 7.)

De la connaissance du Bien.

Nous pouvons connaître les corps, soit par les signes de l’analogie, soit par les propriétés distinctives qu’ils renferment. Quant au Bien, il n’y a aucun moyen de le connaître, ni par l’analogie du sensible, ni par la présence d’aucun objet. Mais, de même qu’un homme assis sur le rivage élevé de la mer atteint de ses regards perçants une barque de pêcheur, nue, solitaire, et ballottée par les flots ; de même, celui qui s’est retiré loin des choses sensibles s’unit au Bien seul à seul, dans un commerce où il n’y a plus ni homme, ni animal, ni corps grand ou petit, mais une solitude ineffable, inénarrable et divine[2], que remplissent tout entière les mœurs, les habitudes, les grâces du Bien, et dans laquelle le Bien demeure au sein de la paix et de la sérénité, gouvernant avec bienveillance et veillant sur l’essence. Celui qui, adonné tout entier aux choses sensibles, s’imaginerait y recevoir la visite du Bien, et croirait le rencontrer au sein de la volupté, serait dupe d’une erreur grossière. Dans la réalité, ce n’est point par une marche aisée qu’on

  1. Ce passage est remarquable en ce qu’il indique assez bien le rôle qu’a joué Numénius comme intermédiaire entre Philon et Plotin. En effet, Numénius avait fait une étude particulière des écrits de Philon, dont il caractérisait la doctrine en ces termes : « Ou Philon platonise, ou Platon philonise. » Numénius avait même lu les livres de Moïse, et il en trouvait les dogmes identiques à ceux de Platon : « Qu’est-ce que Platon, disait-il, sinon Moïse parlant la langue attique ? » Origène à son tour a fait l’éloge de Numénius dans les termes suivants : « Je sais d’ailleurs que le pythagoricien Numénius, qui a si bien expliqué Platon et qui était si versé dans la philosophie de Pythagore, cite dans beaucoup d’endroits de ses ouvrages des passages de Moïse et des prophètes, et qu’il en découvre habituellement le sens caché. C’est ce qu’il fait dans l’ouvrage qu’il a intitulé Épops, dans son livre Des Nombres et dans son traité De l’Espace. Bien plus, dans son troisième livre du traité Du Bien, il cite un fragment de l’histoire de Jésus-Christ, dont il cherche le sens caché avec un succès qu’il n’y a pas lieu d’apprécier ici. » (Contra Celsum, IV.) On peut voir p. 542 de ce volume (note 5) un exemple de la méthode d’interprétation allégorique employée par Numénius.
  2. La même conception a été reproduite et développée par Plotin. Voy. Enn. V, liv. I, § 6 ; Enn. VI, liv. IX, § 10-11.