Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
LIVRE TROISIÈME.

créatrice est la Puissance de l’Âme qui reçoit les formes immédiatement de l’Intelligence. Au-dessus de tout est l’Intelligence, le Démiurge, qui donne les formes à l’Âme universelle, et celle-ci en imprime des traces à la puissance qui tient le troisième rang [la Puissance naturelle et génératrice][1]. Ce monde est donc véritablement une image qui se forme perpétuellement (ἐιϰὼν ἀεὶ ἐιϰονιζόμενος[2]). Les deux premiers principes sont immobiles ; le troisième est également immobile [par son essence], mais il est engagé dans la matière ; il devient donc mobile par accident. Tant que l’Intelligence et que l’Âme subsistent, les raisons[3] en découlent dans cette image de l’Âme [la Puissance naturelle et génératrice] ; de même tant que le soleil subsiste, toute lumière en émane[4].

  1. Dans ce passage, comme plus haut (p. 150, 180), Plotin fait dans l’Âme universelle une distinction analogue à celle qu’il établit dans l’âme humaine entre l’âme raisonnable et l’âme végétative, qui est l’image de la 1re (Enn. I, liv. i, § 8-12 ; Enn., IV, liv. iv, § 13-14). En affirmant qu’il y a deux Âmes, l’Âme supérieure (la Puissance principale de l’Âme), qui reçoit de l’Intelligence les formes (Enn. IV, liv. iv, § 9-12, 35), et l’Âme inférieure (la Nature, la Puissance génératrice), qui les transmet à la matière en la façonnant par les raisons séminales (Enn. III, liv. iv, § 13, 14, 22, 27), Plotin ne veut pas dire qu’il y ait là deux Hypostases différentes, mais seulement deux fonctions différentes d’une même Hypostase. Cette distinction a donné lieu à la théorie de l’Âme ὑπερϰόσμιος et de l’Âme ἐγϰόσμιος professée par ses successeurs.
  2. On trouve la même pensée dans le livre kabbalistique appelé Zohar ou Livre de la Lumière : « Tout ce monde inférieur a été fait à la ressemblance du monde supérieur ; tout ce qui existe dans le monde supérieur nous apparaît ici-bas comme dans une image. » (M. Franck, La Kabbale, p. 219.)
  3. Sur le sens du mot raisons, Voy. plus loin, p. 197, note 1, et p. 240, note 2.
  4. Voy. Enn. II, liv. ix, § 2. Dans ce paragraphe et dans beaucoup d’autres passages, Plotin explique la génération des êtres par une irradiation. Il représente habituellement le principe suprême des choses comme un foyer de lumière duquel émanent éternellement, sans l’épuiser, des rayons par lesquels il manifeste sa présence sur tous les points de l’infini. Cette lumière n’est autre chose que l’Intelligence di-