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TROISIÈME ENNÉADE.

nouissent avec tant de grâce, qui poussent si facilement et qui offrent tant de variété[1]. Ces choses n’ont pas été produites une fois pour toutes ; elles sont produites avec une variété continuelle parce que les astres dans leur cours n’exercent pas toujours la même influence sur les choses d’ici-bas. Ce qui est transformé n’est pas transformé et métamorphosé au hasard, mais d’après les lois de la beauté et les règles de la convenance qu’observent des puissances divines. Toute puissance divine agit conformément à sa nature, c’est-à-dire conformément à son essence ; or, son essence est de développer dans ses actes la justice et la beauté[2] : car si la justice et la beauté ne s’y trouvaient pas, elles ne sauraient exister nulle part.

XIV. L’ordre de l’univers est conforme à l’Intelligence divine sans impliquer que son auteur ait eu besoin pour cela

  1. Ce passage a été cité par S. Augustin dans la Cité de Dieu, comme nous l’avons déjà dit (t. I, p. 303, note 2). Fénelon à son tour a reproduit l’idée de S. Augustin dans son traité de l’Existence de Dieu (I, chap. 3) : « Qu’on étudie le monde tant qu’on voudra ; qu’on descende au dernier détail ; qu’on fasse l’anatomie du plus vil animal ; qu’on regarde de près le moindre grain de blé semé dans la terre, et la manière dont ce germe se multiplie ; qu’on observe attentivement les précautions avec lesquelles un bouton de rose s’épanouit au soleil, et se referme vers la nuit : on y trouvera plus de dessein, de conduite et d’industrie que dans tous les ouvrages de l’art. Ce qu’on appelle même l’art des hommes n’est qu’une faible imitation du grand art qu’on appelle les lois de la nature, et que les impies n’ont pas de honte d’appeler le hasard aveugle.
  2. « Les œuvres de la Providence sont donc toujours bonnes et convenables. Pour reconnaître que Dieu administre toutes choses de la manière la meilleure, la plus avantageuse et la seule assortie à sa nature, on n’a qu’a bien se pénétrer de ces deux vérités, qui sont reconnues de tout le monde : Dieu seul est bon, Dieu seul est sage. Parce qu’il est bon, il doit prendre soin des choses ; parce qu’il est sage, il dirige tout avec sagesse et pour le mieux. » (Némésius, De la Nature de l’homnne, chap. XLIV, p. 268 de la trad. de M. Thibault.)