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TROISIÈME ENNÉADE.

toutes ces espèces doivent être rapportées à l’unité du genre animal. Les choses inanimées forment aussi des espèces diverses et doivent être également rapportées à l’unité du genre des êtres inanimés, puis à l’Être, enfin, si tu veux, au principe dont tout tient l’être [à l’Un]. Après avoir rattaché tout à ce principe, redescends en le divisant, et vois l’unité se fractionner en pénétrant et en embrassant toutes choses à la fois dans un ordre unique. Ainsi fractionnée, l’unité constitue un animal multiple : chacune des parties qu’elle renferme agit selon sa nature sans cesser de faire partie de l’Être universel ; ainsi le feu brûle, le cheval obéit à ses instincts, les hommes produisent des actions aussi différentes que leurs caractères. En un mot, chaque être agit, vit bien ou mal, selon sa nature propre.

II. Ce n’est donc pas par l’effet de circonstances accidentelles qu’on vit bien ou mal ; celles-ci elles-mêmes découlent naturellement de principes supérieurs, et résultent de l’enchaînement de toutes choses. Or, cet enchaînement est établi par la puissance qui a le commandement dans l’univers[1], et chaque être y concourt selon sa nature : c’est ainsi que, dans une armée, le général commande, et les soldats exécutent ses ordres d’un commun accord. La Providence, en effet, à tout réglé dans l’univers, comme un général qui considère tout, les actions et les passions, les vivres et la boisson, les armes et les machines, et qui embrasse tous les détails, en sorte que chaque chose ait une place convenable : rien n’arrive ainsi qui n’entre dans le plan de ce général, quoique ce que font les ennemis reste en dehors de son action, et qu’il ne puisse commander à leur armée[2]. S’il

  1. « Tout est réglé dans les choses, une fois pour toutes, avec autant d’ordre et de’correspondance qu’il est possible, la suprême sagesse et bonté ne pouvant agir qu’avec une parfaite harmonie. (Leibnitz, Principes de la Nature et de la Grâce, § 13.)
  2. Nous lisons avec M. Kirchhoff οὐδὲ οἶόντε ἧν au lieu de εἰ δὲ οἶόντε ἧν.