Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
LIVRE TROISIÈME.

était le grand chef[1] auquel l’univers est soumis, qu’y aurait-il qui pût déranger son plan, et qui ne dût pas s’y rattacher étroitement ?

III. Quoique je sois maître de prendre une détermination ou une autre, cependant ma détermination entre dans le plan de l’univers, parce que ma nature n’a pas été introduite après coup dans ce plan et que je m’y trouve compris avec mon caractère[2]. Mais d’où vient mon caractère ? Il y a ici deux points à considérer : faut-il chercher la cause du caractère de chaque homme dans celui qui l’a formé ou dans cet homme même ? ou bien faut-il renoncer à en chercher la cause ? Oui, sans doute, il y faut renoncer[3] : on ne demande pas en effet pourquoi les plantes ne sentent pas, pourquoi les animaux ne sont pas des hommes ; ce serait demander pourquoi les hommes ne sont pas des dieux. Si, pour les plantes et les animaux, on a raison de n’accuser ni ces êtres mêmes, ni la puissance qui les a faits, comment aurait-on le droit de se plaindre de ce que les hommes n’ont pas une nature plus parfaite ? Si l’on dit qu’ils pouvaient

  1. C’est une expression empruntée au Phèdre de Platon. p. 247 : ὁ μὲν δὴ μέγας ἡγεμών ἐν οὐρανῷ Ζεῦς.
  2. « Naturas igitur omnes Deus fecit, non solum in virtute atque justifia permansuras, sed etiam peccaturas, non ut peccarent, sed ut essent ornaturæ universum, sive peccare, sive non peccare voluissent. » (S. Augustin, De Libero arbitrio, III, 11.)
  3. Ficin commente ainsi ce passage : « Quod quidem humanus animus ita vel ita moribus affectus progrediatur, in causa est quoniam ita quandoque cœpit aliquando vel ita ; quod autem sic incœperit, causa est duntaxat quia sic atque sic incipere potuit ; at vero quod utrumque potuerit, non potes in aliam resolvere causam. Hæc enim ipsius est natura, scilicet vita libere mobilis atque rationalisa. » On trouve le même raisonnement dans S. Augustin : « Quoniam voluntas est causa peccati, tu autem causam ipsius voluntatis inquiris, si hanc invenire potuero, nonuc pausam etiam ejus causæ quæ inventa fuerit quæsiturus es ? Et quis erit quærendi modus, quis finis percunctandi ac disserendi quum te ultra radicem quærere nihil oporteat. » (De Libero arbitrio, III, 17.)