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TROISIÈME ENNÉADE.


V. La Providence descend donc du commencement à la fin, en communiquant ses dons, non d’après la loi d’une égalité numérique, mais d’après celle d’une égalité de proportion, variant ses œuvres selon les lieux. De même, tout est lié dans l’organisation d’un animal, du principe à la fin : chaque membre a sa fonction propre, fonction supérieure ou inférieure, selon le rang qu’il occupe lui-même ; il a aussi ses passions propres, passions qui sont en harmonie avec sa nature et avec la place qu’il tient dans l’ensemble. Ainsi, qu’un organe soit frappé : si c’est l’organe vocal, il rend un son ; si c’est un autre organe, il pâtit en silence, ou exécute un mouvement qui est la conséquence de cette passion ; or, tous les sons, toutes les passions, toutes les actions forment dans l’animal l’unité de son, de vie, d’existence[1]. Les parties, étant diverses, ont des rôles divers : c’est ainsi que les pieds, les yeux, la raison discursive et

    facultés opposées : c’est ainsi que sont réunies la faculté de mentir et celle de dire la vérité ; la faculté de vivre avec tempérance et la faculté de vivre avec intempérance. Mais l’habitude n’est pas composée de même de deux choses contraires : par exemple, nous n’avons pas en même temps l’habitude de vivre avec tempérance et celle de vivre avec intempérance ; l’habitude de mentir et celle de dire la vérité. Au contraire, les habitudes sont distinctes et opposées comme les choses auxquelles elles s’appliquent ainsi, la tempérance dépend d’une bonne habitude, et l’intempérance d’une mauvaise. Les vices ne résultent donc pas des facultés, mais des habitudes et de la préférence. En effet, ce n’est pas la faculté qui nous rend intempérants et menteurs, c’est la préférence ; il dépendait de nous de dire la vérité et de ne pas mentir. Puis donc que le vice n’est point une faculté, mais une habitude, nous ne devons pas attribuer nos vices à l’auteur de nos facultés, mais seulement à nos habitudes, dont nous sommes nous-mêmes les principes et les causes volontaires : car nous pouvions, par nos efforts, contracter de bonnes habitudes au lieu d’en contracter de mauvaises. (De la Nature de l’homme, ch. XLI, p. 239, trad. de M. Thibault.)

  1. Voy. Enn. II, liv. III, § 13 ; t. I, p. 182-183.