Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
LIVRE TROISIÈME.


bœuf. C’est ainsi que l’âme, comme le dit Platon[1], se trouve destinée à passer dans des corps d’animaux autres [que l’homme], parce qu’elle s’est altérée ainsi que la raison séminale], qu’elle est devenue propre à animer un bœuf au lieu d’un homme. Par ce décret de la justice divine, elle devient encore pire qu’elle n’était.

Mais pourquoi, dans l’origine, l’âme s’est-elle égarée et dépravée ? Nous l’avons dit souvent : tous les êtres n’occupent pas le premier rang ; il y en à qui ne tiennent que le deuxième ou le troisième, et qui, par conséquent, sont inférieurs aux premiers. Ensuite, un léger écart suffit pour nous faire sortir de la bonne voie. En outre, le rapprochement de deux choses différentes produit une combinaison qui constitue une troisième chose dérivée des deux premières : l’être ne perd pas les qualités qu’il a reçues avec l’existence ; s’il est inférieur, il a été créé inférieur des l’origine, il est ce qu’il a été fait, il est inférieur en vertu même de sa nature ; s’il en subit les conséquences, il les subit justement. Enfin, il faut tenir compte de notre vie antérieure, parce que tout ce qui nous arrive aujourd’hui résulte de nos antécédents[2].

  1. Voy. Platon, Timée, p. 42, 91.
  2. « Quatuor causas observabis quibus anima nostra deterior quandoque possit evadere : primam, quia posita est ab initio post secundum ordinem animarum ; secundam, quoniam momentum ab initio minimum longius paulatim cadendo fit maximum ; tertiam, quia, dum anima cum alia quadam vel anima vel re forte concurrit, vel potius dum in anima affectio quædam prior cum posteriori congreditur, ex tali quodam congressu vis nova resultat, novumque inde facit effectum, sicut est in aliarum rerum commixtione repertum ; quartam, quia præcedentes actiones in vita præterita talem habitum inchoaverunt vitæ præsenti. » (Ficin.) En résumé, nos vices ne résultent pas des facultés que nous avons reçues de Dieu, mais des habitudes que nous avons contractées volontairement. C’est ce que Némésius explique fort bien dans » le passage suivant : « La faculté que nous avons de choisir se compose de deux