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TROISIÈME ENNÉADE.


tive. La partie qui domine dans l’âme remplit la fonction qui lui est propre ; les autres restent inactives et lui semblent en quelque sorte extérieures. Dans l’homme, ce ne sont pas les puissances inférieures de l’âme qui dominent : elles existent seulement avec les autres ; ce n’est pas non plus la meilleure puissance [la raison] qui domine toujours : les puissances inférieures ont également leur place. Aussi l’homme [outre qu’il est un être raisonnable] est-il encore un être sensitif, parce qu’il possède les organes des sens. Il est également un être végétatif sous beaucoup de rapports : car son corps se nourrit et engendre comme une plante. Toutes ces puissances [la raison, la sensibilité, la puissance végétative] agissent donc ensemble dans l’homme ; mais c’est d’après la meilleure d’entre elles qu’on qualifie la forme totale de cet être [en l’appelant un être raisonnable]. L’âme, en sortant du corps, devient la puissance qu’elle a développée le plus[1]. Fuyons donc d’ici-bas et élevons-nous au monde intelligible, pour ne pas tomber dans la vie purement sensitive, en nous laissant aller à suivre les images sensibles, ou dans la vie végétative, en nous abandonnant aux plaisirs de l’amour physique et à la gourmandise ; élevons-nous dis-je, au monde intelligible, à l’Intelligence, à Dieu.

Ceux qui ont exercé les facultés humaines renaissent hommes. Ceux qui n’ont fait usage que de leurs sens passent dans des corps de brutes[2], et particulièrement dans des corps de bêtes féroces, s’ils se sont abandonnés aux emportements de la colère ; de telle sorte que, même en ce cas, la différence des corps qu’ils animent est conforme à la différence de leurs penchants. Ceux qui n’ont cherché qu’à

  1. Proclus dit de même : « Toute âme est la partie qu’elle développe par sa vie, et c’est d’après cette partie qu’elle se définit. » (Commentaire sur l’Alcibiade, t. II, p. 114.)
  2. Plotin se borne ici à reproduire des passages empruntés aux dialogues de Platon. Voy. à ce sujet les remarques qui se trouvent dans les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.