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AVERTISSEMENT.

de l’autre, nous avons pu établir, tant par son propre témoignage que par de légitimes inductions tirées de plusieurs passages de ses écrits, que, bien qu’il fût peu familier avec la langue grecque, il avait lu et profondément étudié les écrits de ceux qu’il appelle les Platoniciens par excellence et qui ne sont autres que Plotin et Porphyre ; et qu’il les avait lus à l’aide d’une traduction littérale faite en latin par un auteur qu’il nomme lui-même, par Marius Victorinus[1].

Qu’on n’aille pas non plus s’imaginer que la foi ait à s’alarmer de l’accord que nous avons plus d’une fois signalé entre notre philosophe et les Pères de l’Église. Cet accord, qui n’existe d’ailleurs que sur des matières qui sont du ressort de la raison et qui ne touchent en rien au dogme, ne peut qu’être à l’honneur de la religion aussi bien que de la philosophie, et il doit être un sujet de joie pour les amis sincères de l’une et de l’autre : il prouve en effet que, malgré tant de causes d’incertitude et d’erreur, il existe une vérité éternelle, perennis quædam philosophia, comme disait Leibnitz, qui est indépendante des temps, des lieux et des écoles.

Du reste, en nous livrant à ces rapprochements, nous n’avons fait que suivre la voie si bien tracée au dernier siècle par un des plus grands théologiens français, par le P. Thomassin, de l’Oratoire. Dans ses Dogmata theologica, ouvrage qui fait autorité en théologie, ce pieux et savant auteur interroge successivement sur chaque question les philosophes aussi bien que les Pères de l’Église, et, parmi les philosophes, les Platoniciens de préférence, ces patriciens de la philosophie, comme il les appelle en se servant d’une expression qu’il emprunte à Cicéron ; et, frappé de la justesse et de la profondeur des réponses qu’il obtient de quelques-uns d’entre eux, de Plotin surtout, il s’écrie : « Le lecteur ne pourra s’empêcher de ressentir une grande joie en songeant que des hommes dénués du secours de la foi aient pu pénétrer si avant dans les célestes mystères&hellip ; Cette étude ne peut manquer d’offrir une grande utilité à cause de l’importance des secours qu’on y trouve pour éclairer et confirmer la vérité de la religion chrétienne[2]. » Ailleurs, le même théologien, plein d’admiration pour la manière dont Plotin décrit l’état de l’âme qui s’est élevée au monde intelligible, s’écrie avec transport : « Il me semble entendre Augustin lui-même enseignant

  1. Voy., à la fin du vol., p. 554-565, la dissertation que nous avons consacrée à ce sujet.
  2. Voy. ci-après le texte de ce passage, p. 544. Voy. aussi la Préface des Dogmata theologica et l’excellente thèse de M. Lescœur sur la Théodicée du P. Thomassin, 1852.