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LIVRE CINQUIÈME.


la chercher dans le désir et dans la notion que notre âme a primitivement du Beau, ainsi que dans son affinité avec lui et dans le sentiment instinctif qu’elle a de cette affinité[1]. Le laid est contraire à la nature et à la divinité. En effet, pour créer, la Nature contemple ce qui est beau, ce qui est déterminé et se trouve compris dans l’ordre du Bien. Au contraire, l’indéterminé est laid et appartient ainsi à l’ordre qui est opposé à celui du Bien[2]. D’ailleurs, la Nature elle-même doit son origine au Beau et au Bien. Or, dès qu’on est séduit par un objet parce qu’on y est uni par une parenté secrète, on éprouve pour les images de cet objet un sentiment de sympathie. Qu’on détruise cette cause de l’amour, et il sera impossible d’expliquer l’origine de cette passion, d’en assigner la cause, se bornât-on même à considérer l’amour physique. Celui-ci en effet nous inspire le désir d’engendrer dans le Beau[3] : car il est absurde de prétendre que la Nature, qui aspire à produire de belles choses, aspire à engendrer dans le laid.

Au reste, à ceux qui désirent engendrer ici-bas, il suffit d’atteindre ce qui est beau ici-bas, c’est-à-dire la beauté qui

  1. Voy. t. I, p. 100-103.
  2. Voy. t. I, p. 102,108.
  3. « L’amour consiste à vouloir posséder toujours le bon… Mais quelle est la recherche et la poursuite particulière du bon à laquelle s’applique proprement l’amour ? C’est la production dans la beauté selon le corps et selon l’esprit… Tous les hommes sont féconds selon le corps et selon l’esprit ; et à peine arrivés à un certain âge, notre nature demande à produire. Or elle ne peut produire dans la laideur, mais dans la beauté ; l’union de l’homme et de la femme est production, et cette production est œuvre divine : fécondation, génération. voilà ce qui fait l’immortalité de l’animal mortel… L’objet de l’amour, ce n’est pas la beauté, comme tu l’imagines ; c’est la génération et la production dans la beauté, parce que ce qui nous rend impérissables et nous donne toute l’immortalité que comporte notre nature mortelle. c’est la génération. » (Platon, Banquet, p. 206-208 ; t. VI, p. 305-307, trad. de M. Cousin.)