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LIVRE CINQUIÈME.


qu’il est né d’elle et en elle, qu’il se complaît avec elle à contempler les dieux. Or, puisque nous regardons comme séparée de la matière l’Âme qui répand la première sa lumière sur le ciel, nous devons admettre que l’Amour [qui lui est lié] est également séparé de la matière. Si nous disons que cette Âme pure réside véritablement dans le ciel, c’est dans le sens où nous disons que ce qu’il y a de plus précieux en nous [l’âme raisonnable] réside dans notre corps et est cependant séparé de la matière. Cet Amour doit donc résider la seulement où réside cette Âme pure.

Mais, comme il était également nécessaire qu’au-dessous de l’Âme céleste existât l’Âme du monde[1], avec elle devait exister en même temps un autre Amour : il est aussi l’œil de cette Âme ; il est né aussi de son désir[2]. Comme cette seconde Vénus appartient à ce monde, qu’elle n’est pas l’Âme pure, ni l’Âme dans un sens absolu, elle, a engendré l’Amour qui règne ici-bas et préside avec elle aux mariages[3]. En tant qu’il éprouve lui-même le désir de l’intelligible, il tourne vers l’intelligible les âmes des jeunes gens, il élève l’âme à laquelle il est uni, en tant qu’elle est naturellement disposée à avoir la réminiscence de intelligible. Toute âme en effet aspire au Bien, même celle qui est mêlée à la matière et qui est l’âme de tel être : car elle est attachée à l’Âme supérieure et elle en procède.

IV. Chaque âme renferme-t-elle aussi dans son essence et a-t-elle pour hypostase un amour pareil ? Pourquoi, puisque l’Âme du monde a pour hypostase l’Amour qui est inhérent

  1. Pour la distinction que Plotin établit ici entre les deux parties de l’Âme, savoir, l’Âme supérieure ou céleste, et l’Âme inférieure ou engagée dans le monde, Voy. Enn. II, liv. III, § 17, 18 ; t. I, p. 191-193.
  2. Nous lisons avec MM. Creuzer et Kirchhoff : ϰαὶ ταύτης ἐξ ὀρέζεως ϰαὶ αὐτὸς γεγενημένος.
  3. Sur les deux Vénus et les deux Amours, Voy. l’Ennéade V (liv. VIII, § 13) et l’Ennéade VI (liv. IX, § 9). Voy. aussi M. Creuzer, Religions de l’antiquité, t. II, liv. VI, chap. 5, et t. III, liv. VII, chap. 6, trad. de M. Guigniaut.