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TROISIÈME ENNÉADE.


à son essence, notre âme n’aurait-elle pas aussi pour hypostase un amour également inhérent à son essence ? Pourquoi n’en serait-il pas de même des âmes des autres animaux ? Cet amour inhérent à l’essence de chaque âme est le démon qu’on regarde comme attaché à chaque individu[1]. Il inspire à chaque âme les désirs qu’il est dans sa nature d’éprouver : car chaque âme engendre selon sa nature un amour qui est en harmonie avec sa dignité et son essence. L’Âme universelle possède l’Amour universel, et les âmes particulières possèdent chacune un amour particulier. Mais, comme les âmes particulières ne sont pas séparées de l’Âme universelle et qu’elles y sont contenues de telle sorte que toutes n’en font qu’une seule[2], les amours particuliers sont contenus dans l’Amour universel. D’un autre côté, chaque amour particulier est uni à une âme particulière, comme l’Amour universel est uni à l’Âme universelle. Ce dernier est tout entier partout dans l’univers ; d’un il devient multiple ; il apparaît dans l’univers partout où il lui plaît, sous les diverses formes propres à ses parties, et il se révèle lui-même sous quelque figure visible quand cela lui convient.

Il faut admettre qu’il y a aussi dans l’univers une multitude de Vénus qui, nées avec l’Amour, occupent le rang de démons ; elles proviennent de la Vénus universelle, de laquelle dépendent toutes les Vénus particulières, avec les Amours qui leur sont propres. En effet, l’Âme est la mère de l’Amour ; or Vénus, c’est l’Âme ; et l’Amour, c’est l’acte de l’Âme qui désire le Bien. L’Amour qui conduit chaque âme à l’essence du Bien et qui appartient à sa partie la plus élevée doit être regardé comme un Dieu, parce qu’il unit l’âme au Bien. Quant à l’Amour qui appartient à l’âme mêlée à la matière, c’est un Démon.

V. Quelle est la nature de ce Démon, et quelle est en général la nature des démons, de laquelle Platon parle

  1. Voy. le livre précédent.
  2. Voy. Enn. IV, liv. IX.